Crise politique au Liban - La présence militaire est renforcée à Beyrouth

Beyrouth — L'armée libanaise a déployé hier davantage de troupes à Beyrouth au lendemain de la mort d'un manifestant chiite pro-syrien tué d'une balle dans le dos. Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, qui a rencontré dimanche et hier à Beyrouth plusieurs dirigeants, dont ceux du Hezbollah, a estimé que la crise politique actuelle pourrait dégénérer.
«Le monde arabe ne peut rester les bras croisés en observant une situation qui pourrait aboutir au pire», a-t-il dit avant son départ, tout en exprimant un «certain espoir» quant à ses propres efforts pour parvenir à désamorcer la situation.Les services du président pro-syrien Émile Lahoud se sont réjouis des efforts déployés par Moussa, tout en ajoutant: «Tout accord devra être l'oeuvre des Libanais eux-mêmes. C'est ce que l'expérience nous a appris.»
Saad al Hariri, fils de l'ex-premier ministre Rafic Hariri assassiné en février 2005 et chef de file de la majorité antisyrienne, a quant à lui lancé un appel au calme et invité ses partisans à ignorer tout «provocation».
L'armée a renforcé sa présence dans les quartiers sunnites que les manifestants chiites traversent pour rejoindre le sit-in illimité organisé depuis vendredi autour du siège du gouvernement, dans le centre de la capitale.
L'objet de cette manifestation organisée par les mouvements chiites Hezbollah et Amal ainsi que par le Courant patriotique libre de leur allié chrétien, le général Michel Aoun, est de provoquer la démission du gouvernement pro-occidental de Fouad Siniora, dénoncé comme une «marionnette» des États-Unis.
L'opposition pro-syrienne compte en outre organiser aujourd'hui des obsèques de masse pour le manifestant tué dimanche dans le quartier sunnite de Kaskas alors qu'il revenait du centre-ville.
«Nos dirigeants sont conscients et sages. Ils veulent pardonner cet incident. Cela pourrait se reproduire mais nous ne nous laisserons pas attirer sur ce terrain, car c'est un sale jeu», a déclaré un manifestant pro-syrien, Mohamed Atoueh, 30 ans.
Nombre de personnalités politiques et d'analystes craignent que la crise ne dégénère en violences intercommunautaires, notamment entre opposants chiites et majorité antisyrienne sunnite, le camp chrétien étant partagé.
«Une des choses les plus dangereuses, c'est le degré diabolique d'instigation sectaire de la part de certains symboles politiques», a estimé lundi le grand ayatollah Mohamed Hussein Fadallah, chef spirituel des chiites libanais.
Des milliers de manifestants ont passé une troisième nuit consécutive dans les tentes dressées autour du bâtiment du gouvernement, que Fouad Siniora ne quitte plus.
«Nous resterons sur cette place. Nous ne bougerons pas tant que ce gouvernement illégal et contraire à la Constitution ne sera pas parti», a déclaré sous les acclamations une personnalité de l'opposition chrétienne pro-syrienne, Souleïmane Frangié, sur la place Riad al Solh.
«Notre unique revendication, c'est un gouvernement d'union nationale», a-t-il lancé à la foule.
Six ministres d'opposition, dont cinq chiites, ont démissionné le mois dernier et le gouvernement a encore été affaibli par l'assassinat, le 21 novembre, du ministre chrétien antisyrien, Pierre Gemayel.
Les dirigeants antisyriens qui contrôlent le cabinet accusent le mouvement islamiste chiite et ses alliés de préparer un coup de force.
De nombreux commerces et banques sont restés fermés hier dans le centre de la capitale.
À Damas où il a été reçu par le président syrien Bachar al Assad, le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, a exhorté hier la Syrie à convaincre ses alliés libanais du Hezbollah à arrêter leurs manifestations.
Il a également prié les Syriens d'user de leur influence après des Palestiniens.