La France interdit l’abaya à l’école

L’interdiction de l’abaya à l’école en France répond au besoin de « faire bloc » face à « une attaque politique », ont déclaré lundi des membres du gouvernement français pour justifier cette mesure annoncée la veille.
Il s’agit de « faire bloc » contre les atteintes à la laïcité, car l’école de la République est « testée », a dit le ministre français de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, lors de sa conférence de presse de la rentrée.
« C’est une attaque politique, c’est un signe politique », a estimé de son côté à la chaîne de télévision BFMTV le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, en dénonçant une forme de « prosélytisme » à travers le port de cette longue robe traditionnelle couvrant le corps féminin jusqu’aux chevilles, à l’exception du visage et des mains.
« Faire bloc, c’est être clair : l’abaya n’a pas sa place dans nos écoles », a poursuivi M. Attal, en promettant de former « aux enjeux de laïcité 300 000 [membres du personnel] par an jusqu’en 2025 » et l’ensemble des 14 000 membres de direction d’ici la fin de l’année.
« Notre école est testée. Ces derniers mois, les atteintes à la laïcité se sont considérablement accrues, avec notamment le port de tenues religieuses, comme les abayas [pour les femmes] ou les qamis [pour les hommes], qui ont fait leur apparition — et se sont installées parfois — dans certains établissements », a fait valoir le ministre de l’Éducation nationale.
M. Attal a annoncé dimanche soir sur TF1 l’interdiction dans les établissements scolaires de l’abaya, cette longue robe portée par certaines élèves musulmanes, répondant ainsi à une revendication des chefs d’établissement, qui réclamaient des consignes claires sur ce sujet controversé.
Selon une note des services de l’État, dont l’Agence France-Presse a obtenu copie, les atteintes à la laïcité, bien plus nombreuses depuis l’assassinat en 2020 aux abords de son collège du professeur Samuel Paty, ont augmenté de 120 % entre les années scolaires 2021-2022 et 2022-2023. Le port de signes et de tenues, qui représente la majorité des atteintes, a quant à lui augmenté de plus de 150 % tout au long de la dernière année scolaire.
« La fermeté de la réponse de l’école est mise à l’épreuve par ces nouveaux phénomènes, face aux coups de boutoir, face aux attaques, face aux tentatives de déstabilisation », a déclaré M. Attal. « Nous devons faire bloc. Et nous allons faire bloc », a-t-il ajouté.
Réactions politiques
Applaudie à droite et à l’extrême droite, la mesure est accueillie plus fraîchement à gauche, où elle divise, et par certains syndicats.
« Passer autant de temps sur les abayas, c’est disproportionné », a fustigé le SNES-FSU, principal syndicat du secondaire (collèges et lycées). « Ce n’est pas le problème principal de la rentrée. C’est les effectifs dans les classes, c’est des profs qui manquent », a martelé sa secrétaire générale, Sophie Vénétitay. « On sait que le gouvernement cherche des appuis aussi à droite, donc, on n’est pas dupes de la manoeuvre politique qui est derrière. »
Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a écrit lundi sur X (anciennement Twitter) sa « tristesse de voir la rentrée scolaire politiquement polarisée par une nouvelle absurde guerre de religion entièrement artificielle à propos d’un habit féminin ». « À quand la paix civile et la vraie laïcité qui unit au lieu d’exaspérer ? » a-t-il demandé. En juin dernier, M. Mélenchon avait affirmé que l’abaya n’avait « rien à avoir avec la religion », et que le problème de l’école n’était pas ce vêtement, mais « le manque de professeurs, l’insuffisance de l’accueil ».
Dans d’autres formations politiques de gauche, la mesure est plus favorablement accueillie. Le député socialiste Jérôme Guedj, le maire socialiste de Montpellier, Michaël Delafosse, ou le chef de file du Parti communiste, Fabien Roussel, ont approuvé l’interdiction, au nom de la laïcité.
Fruit de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église catholique et de l’État, la conception française de la laïcité cantonne la religion à la sphère privée.