Le grand patron de l’AIEA de passage à la centrale nucléaire de Zaporijjia

Le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, a revêtu des vêtements de protection pour sa visite à la centrale de Zaporijjia.
Fredrik Dahl Agence internationale de l’énergie atomique Agence France-Presse Le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, a revêtu des vêtements de protection pour sa visite à la centrale de Zaporijjia.

Un compromis a minima face à un risque militaire croissant : le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AUEA) s’est rendu mercredi à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia en quête d’une solution acceptable pour Kiev et Moscou afin de sécuriser le site.

L’idée d’une zone démilitarisée autour de ce site du sud-est de l’Ukraine occupé depuis mars par les Russes semble avoir vécu après des mois d’échanges infructueux.

Rafael Grossi, qui a passé quelques heures sur place avant de retourner dans les territoires sous contrôle des autorités ukrainiennes, veut donc désormais travailler sur des « principes » à même de réduire le risque de « catastrophe » nucléaire. « J’essaie de préparer et de proposer des mesures réalistes qui seront approuvées par toutes les parties », a-t-il dit aux journalistes pendant cette visite à laquelle l’AFP a pu participer dans le cadre d’un voyage de presse organisé par les autorités russes.

« L’idée est de s’entendre sur certains principes, certains engagements, dont ne pas attaquer la centrale », a ensuite déclaré M. Grossi à l’AFP, priant une fois encore Moscou de ne pas y entreposer des équipements militaires, en particulier des armes.

« L’activité militaire est à la hausse dans toute cette région », avec notamment une « augmentation significative du nombre des soldats », avait-il auparavant indiqué.

Pour cette deuxième visite, après celle de septembre 2022, M. Grossi est arrivé à la centrale à bord d’un véhicule blindé de l’armée russe, encadré par des soldats en tenue de combat, selon un journaliste de l’AFP. Des employés de l’AIEA étaient également présents, dont trois inspecteurs chargés de relever des collègues en poste sur le site.

Le chef de l’AIEA mène depuis des mois des consultations pour protéger la centrale et la zone avoisinante, régulièrement touchées par des frappes qui entraînent des coupures de courant à répétition, laissant craindre un accident nucléaire.

« Jouer avec le feu »

Avant même sa visite, l’éventualité d’une percée diplomatique avait été balayée par un conseiller de la direction de l’opérateur russe Rosenergoatom. « Nous sommes loin d’avoir l’illusion que la visite de Grossi pourra radicalement changer les choses », a confié à l’agence de presse Tass Renat Kartchaa.

L’Ukraine estime que seul un retrait russe de la centrale de Zaporijjia permettrait de garantir la sécurité nucléaire. Quant à la Russie, qui refuse tout départ d’un territoire dont elle revendique l’annexion, elle accuse Kiev de vouloir reprendre ce site par la force, au mépris du risque couru.

Le 22 mars, M. Grossi avait averti que la centrale se trouvait dans un « état précaire », car, selon l’AIEA, la « dernière ligne électrique de secours », endommagée le 1er mars, reste « déconnectée et en réparation ». Or elle permet en dernier recours d’assurer la sûreté et la sécurité nucléaires, en particulier en refroidissant les réacteurs.

Le 9 mars, la gigantesque centrale avait été coupée du réseau électrique ukrainien pendant 11 heures après une frappe russe. Des générateurs diesel de secours avaient été enclenchés pour fournir une alimentation minimale des systèmes de sécurité. « On joue avec le feu », avait prévenu M. Grossi. Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, avait accusé la Russie de mettre « en danger la sécurité de la totalité du continent européen ».

L’électricité est essentielle pour faire tourner les pompes assurant la circulation d’eau afin de refroidir le combustible et éviter un accident comme celui de Fukushima, au Japon, après le tsunami de mars 2011.

Rafael Grossi et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avaient visité ensemble lundi une station hydroélectrique chargée d’alimenter la centrale nucléaire.

Nous sommes loin d’avoir l’illusion que la visite de Grossi pourra radicale­ment changer les choses

 

La Russie revendique l’annexion de la région de Zaporijjia, où se trouve la centrale, et en occupe une partie. Elle accuse depuis plusieurs jours l’Ukraine d’y multiplier les frappes et les attentats.

Mercredi, les autorités russes ont fait état de bombardements à Melitopol, le chef-lieu de la région occupée. Selon elles, un dépôt de locomotives a été touché, mais il n’y a pas eu de victimes. Elles ont aussi fait état de coupures d’électricité. Ces frappes auraient été effectuées à l’aide de Himars, un système lance-roquettes mobile américain de haute précision, cette ville étant située à plus de 65 kilomètres du front.

Depuis plusieurs semaines, les conjectures vont bon train quant à une éventuelle contre-offensive ukrainienne en direction de Melitopol, car sa prise permettrait de couper le couloir terrestre conquis par la Russie pour relier son territoire à la Crimée, une péninsule annexée en 2014.

Pour pouvoir infliger de nouvelles défaites à la Russie, l’Ukraine réclame cependant des munitions de plus longue portée que celles de 80 kilomètres dont elle disposait jusqu’ici pour les Himars, afin de détruire les voies d’approvisionnement russes. Les États-Unis ont promis des munitions pouvant atteindre une cible à 150 kilomètres de distance et Moscou affirme que celles-ci ont déjà été livrées. Kiev ne l’a pas confirmé et assure avoir besoin de beaucoup plus d’armements occidentaux.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, juge à cet égard qu’Américains et Européens « combattent de facto » aux côtés de Kiev.



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