Le gouvernement français tente de désamorcer la contestation

La première ministre, Élisabeth Borne, dit se fixer deux objectifs : « apaiser le pays face à ces tensions et accélérer les réponses aux attentes des Français ».
Ludovic Marin Agence France-Presse La première ministre, Élisabeth Borne, dit se fixer deux objectifs : « apaiser le pays face à ces tensions et accélérer les réponses aux attentes des Français ».

Une semaine après l’adoption de la réforme des retraites en France, le président Emmanuel Macron a affirmé lundi vouloir « continuer à tendre la main » aux syndicats, le gouvernement annonçant de son côté un « dispositif de sécurité inédit », notamment à Paris, par crainte de violences à la manifestation mardi.

À la veille de la dixième journée de mobilisation contre cette réforme très impopulaire, qui recule l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, l’exécutif a soufflé le chaud et le froid.

Le président français, dont la cote de popularité s’est effondrée, avec 28 % d’opinions positives selon un sondage publié lundi, a réaffirmé devant les ténors du gouvernement et les dirigeants de son camp, réunis pour un déjeuner à la présidence, sa volonté d’aplanir la situation.

« Il faut continuer à tendre la main aux forces syndicales », a dit Emmanuel Macron, selon des propos rapportés par un participant, redoublant les appels au dialogue de sa première ministre, Élisabeth Borne.

Le président veut cependant leur parler des conditions de travail — de la pénibilité à l’emploi des seniors, en passant par les reconversions — sans accéder à la demande du secrétaire général du syndicat CFDT, Laurent Berger, de mettre sur « pause » la réforme pendant six mois.

Dans le même temps, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé lundi qu’un « dispositif de sécurité inédit » serait déployé mardi pour la dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, avec « 13 000 policiers et gendarmes, dont 5500 à Paris ».

Lors d’une conférence de presse, il a appelé « dans cette période de violence[…], solennellement, chacun et chacuneau calme », et a évoqué la venue possible à Paris mardi de « plus de 1000 éléments radicaux, dont certains venus de l’étranger et d’autres [qui] étaient présents à Sainte-Soline ce week-end ».

Manifestants dans le coma

Le terrain des affrontements s’est en effet déplacé samedi à Sainte-Soline, dans le centre-ouest de la France, où une manifestation contre des réserves d’eau agricoles controversées a fait des dizaines de blessés de part et d’autre, avec un manifestant toujours lundi entre la vie et la mort.

Un deuxième manifestant blessé à Sainte-Soline est dans le coma, a indiqué lundi une source proche du dossier.

La polémique, récurrente en France, enfle autour d’un possible « usage excessif de la force » par la police, selon les mots du Conseil de l’Europe.

La précédente journée de mobilisation, le 23 mars, avait connu une recrudescence des heurts en marge des cortèges, avec 457 interpellations et 441 policiers et gendarmes blessés.

Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a fustigé l’attitude de La France insoumise, premier parti d’opposition de gauche, et de son chef, Jean-Luc Mélenchon, qu’il a qualifiés de « rentiers de la colère ».

La députée écologiste Sandrine Rousseau a renvoyé la responsabilité des violences dans les manifestations, qu’elle a condamnées, à M. Macron et à son ministre de l’Intérieur, s’interrogeant sur leur éventuelle volonté d’« aller chercher l’incident » en déployant « une débauche de moyens ».

La dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen a en revanche incriminé dans les violences à Sainte-Soline les « milices d’extrême gauche » et la « complaisance » à leur égard des gouvernements successifs depuis dix ans.

Les tensions sont loin de s’apaiser dans la rue en France, dans un contexte de revendications salariales en Europe de l’Ouest face à l’inflation, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni.

Musée du Louvre fermé

À Paris, le Louvre, le musée le plus fréquenté au monde, est déjà resté fermé lundi en raison d’un blocage des salariés.

Et dans les rues de la capitale, touchée par une grève des éboueurs depuis trois semaines, le volume de déchets non ramassés se résorbait lentement, avec 7828 tonnes toujours en souffrance.

La circulation des trains, des avions et du métro parisien sera perturbée mardi, pour la dixième journée de mobilisation contre une réforme dont Emmanuel Macron dit assumer « l’impopularité ».

Plus de 15 % des stations-service étaient déjà lundi à court d’essence ou de gazole, à la suite du mouvement dans les raffineries.

La Direction générale de l’aviation civile a aussi demandé aux compagnies d’annuler 20 % de leurs vols à Paris-Orly, Marseille, Toulouse et Bordeaux mardi et mercredi.



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