Macron sans regret sur la réforme des retraites en France

Le président français, Emmanuel Macron, est enfin sorti de son silence mercredi, après des semaines de vive tension sociale, se disant sans regret ou presque sur l’impopulaire réforme des retraites, qu’il souhaite voir appliquée « avant la fin de l’année ».
Le chef de l’État a simplement concédé un possible regret, celui « de ne pas avoir réussi à convaincre sur la nécessité de cette réforme », lors d’une entrevue télévisée, durant laquelle il a répété ses arguments pour justifier la nouvelle loi.
« Cette réforme, ce n’est pas un plaisir, ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité », a-t-il fait valoir, invoquant à nouveau la nécessité de répondre à la dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population, la France étant l’un des pays européens où l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas.
On ne peut accepter ni les factieux ni les factions
La loi, dont Emmanuel Macron souhaite l’application « avant la fin de l’année », « pour que les choses rentrent en place », prévoit le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans.
Très attendue, cette entrevue présidentielle a fait bondir l’opposition.
M. Macron, « un homme de plus en plus seul », a « conforté » les Français dans l’idée de son « mépris » à leur égard, a réagi Marine Le Pen, cheffe de l’extrême droite en France, son adversaire malheureuse au second tour des deux dernières présidentielles.
Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a dénoncé l’« arrogance » du président, qui, selon lui, « vit en dehors de toute réalité ». « Il est dans un déni absolu », a lancé le chef du Parti socialiste, Olivier Faure, craignant que M. Macron « n’ait mis plus d’explosif sur un brasier déjà bien allumé ».
Entrevue « lunaire »
Réactions indignées également du côté des syndicats, qui ont organisé et encadré pendant deux mois une contestation pacifique d’ampleur.
Ses déclarations sont « du foutage de gueule et du mépris pour les millions de personnes qui manifestent », a affirmé le secrétaire général du syndicat CGT, Philippe Martinez, qualifiant l’entrevue présidentielle de « lunaire ».
Le patron du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger, a pour sa part accusé le président de « mensonge » en affirmant « qu’il n’y aurait de la responsabilité que dans un camp » et que son organisation n’aurait « pas fait de contre-propositions ».
À la veille d’une nouvelle journée nationale de mobilisation syndicale, le chef de l’État a confirmé qu’il n’allait ni dissoudre l’Assemblée nationale, ni remanier le gouvernement, ni convoquer un référendum sur sa réforme décriée.
Il ne s’est pas non plus ému des reproches sur son passage en force — l’exécutif a utilisé une disposition constitutionnelle, l’article 49.3, permettant l’adoption d’un texte sans vote — parce qu’il ne disposait pas d’une majorité à l’Assemblée pour voter le texte, et a ainsi exacerbé la colère populaire.
Depuis le 16 mars, date du recours à cet article 49.3, la contestation donne pourtant des signes de radicalisation. Des échanges tendus opposent chaque soir manifestants et policiers, notamment à Paris. Près d’un millier de personnes ont été interpellées.
Alors que le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a demandé « une réponse pénale systématique et rapide » à l’encontre des manifestants arrêtés, l’ONG Amnesty International s’est alarmée du « recours excessif à la force et aux arrestations abusives ».
« Quand les États-Unis d’Amérique ont vécu ce qu’ils ont vécu au Capitole, quand le Brésil a vécu ce qu’il a vécu […], je vous le dis très nettement », « on ne peut accepter ni les factieux ni les factions », a dit M. Macron, en référence à des épisodes insurrectionnels vécus dans ces deux pays. « On ne tolérera aucun débordement », a-t-il souligné.
Les grèves et les blocages se sont poursuivis en France mercredi, notamment dans les dépôts pétroliers, 12 % des stations-service se retrouvant à court d’essence ou de gazole.
À la veille de la neuvième journée de mobilisation nationale contre la réforme, le port de Marseille était bloqué mercredi, et une autoroute constituant la principale entrée vers cette deuxième ville de France a été fermée plusieurs heures. La compagnie nationale ferroviaire a indiqué que la circulation serait « très fortement perturbée » jeudi.
Amnesty lance l’alerte « sur le recours excessif à la force et aux arrestations abusives »
L’ONG Amnesty International s’alarme du « recours excessif à la force et aux arrestations abusives » dénoncé lors des manifestations en France contre la réforme des retraites, et appelle les autorités à « assurer la sécurité des manifestants », dans une série de messages sur son compte Twitter français.
L’ONG demande également aux autorités françaises « l’interdiction de l’utilisation des grenades de désencerclement », au vu de la « dangerosité de ces armes dont les projectiles frappent de façon aléatoire les personnes ».
Amnesty dénonce en outre une « utilisation abusive des matraques » et relève que « plusieurs médias ont documenté le recours à des gaz lacrymogènes projetés directement sur des manifestants pacifiques pour disperser les manifestations sans systématiquement de possibilité de dispersion, et dans des quantités importantes ». Les matraques « ne doivent jamais être utilisées sur des personnes pacifiques, déjà maîtrisées ou en train de se disperser », souligne l’ONG.
Dans un communiqué, mardi, le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a souligné « l’indispensable proportionnalité de l’usage de la force et la nécessité de saisir immédiatement les inspections en cas de manquement à la déontologie ». Et la première ministre Élisabeth Borne a affirmé que les forces de l’ordre « ont un devoir d’exemplarité » dans la gestion des manifestations contre la réforme des retraites.
Depuis le 16 mars — date du recours par le gouvernement à l’arme constitutionnelle du « 49.3 » —, plusieurs centaines de manifestants ont été interpellés en France, leurs gardes à vue se soldant le plus souvent par un classement sans suite. Des syndicats d’avocats et de magistrats, des ONG et des politiques de gauche dénoncent également de leur côté des violences policières.