Fort d’un accord «historique», Rishi Sunak doit encore se faire convaincant en Irlande du Nord

Il s’agit « d’un fantastique accord qui répond à tout ce qui compte pour les gens », a assuré Rishi Sunak en visitant une usine de Coca-Cola près de Belfast. « Donc maintenant, j’espère qu’ils vont voir que c’est le cas et qu’ils vont trouver un moyen de se retrouver ensemble », a-t-il dit, sans nommer le DUP.
Liam McBurney Pool via Agence France-Presse Il s’agit « d’un fantastique accord qui répond à tout ce qui compte pour les gens », a assuré Rishi Sunak en visitant une usine de Coca-Cola près de Belfast. « Donc maintenant, j’espère qu’ils vont voir que c’est le cas et qu’ils vont trouver un moyen de se retrouver ensemble », a-t-il dit, sans nommer le DUP.

Le premier ministre britannique, Rishi Sunak, s’est rendu mardi en Irlande du Nord pour faire valoir les bienfaits de l’accord « historique » conclu avec l’Union européenne (UE) concernant les dispositions post-Brexit, espérant mettre fin à plus d’un an de blocage politique dans la province.

Après des mois de tensions, Rishi Sunak et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont présenté lundi un nouvel accord modifiant le protocole nord-irlandais, censé proposer des solutions pratiques aux difficultés d’approvisionnement et aux inquiétudes politiques créées par l’ancien compromis.

La guerre de la saucisse un temps redoutée n’aura pas lieu : la viande réfrigérée britannique pourra être vendue dans les rayons nord-irlandais, tandis que les Anglais pourront envoyer des colis à leurs proches à Belfast sans déclaration de douanes ou se rendre en Irlande du Nord avec leur chien sans certificat vétérinaire.

Rishi Sunak doit maintenant convaincre le principal parti unioniste, l’ultraconservateur Democratic Unionist Party (DUP), farouchement opposé à l’ancien protocole nord-irlandais, d’adhérer au nouveau compromis et de lever son boycottage de l’exécutif local, paralysé depuis un an. Le mouvement réserve sa réponse.

Il s’agit « d’un fantastique accord qui répond à tout ce qui compte pour les gens », a assuré Rishi Sunak en visitant une usine de Coca-Cola près de Belfast. « Donc maintenant, j’espère qu’ils vont voir que c’est le cas et qu’ils vont trouver un moyen de se retrouver ensemble », a-t-il dit, sans nommer le DUP.

Marchés uniques

Après un appel avec Rishi Sunak, la cheffe du Sinn Féin nord-irlandais (majoritaire au Parlement local), Michelle O’Neill, a demandé sur Twitter que l’élan soit conservé, estimant que la priorité est à présent que les institutions locales soient « sans délai » en ordre de marche.

Mais en vantant la position unique de l’Irlande du Nord, à la fois dans le marché unique britannique et européen, « la zone économique la plus enthousiasmante au monde », selon Rishi Sunak, le chef du gouvernement s’est attiré les railleries des anti-Brexit, alors que la réalisation des promesses de la sortie de l’UE se fait toujours attendre.

Baptisé « cadre de Windsor », le nouvel accord entend notamment permettre des échanges commerciaux plus fluides entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, échanges qui ont été complexifiés avec l’ancien protocole négocié en 2020 par Boris Johnson.

Ce protocole voulait éviter une frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord qui risquerait de fragiliser la paix après des décennies de conflit, tout en protégeant le marché unique européen.

Il créait de facto une frontière en mer d’Irlande, inacceptable pour les unionistes, qui défendent l’appartenance de la province au Royaume-Uni. Il posait aussi des problèmes pratiques en imposant notamment des contrôles douaniers sur les produits arrivant en Irlande du Nord depuis la Grande-Bretagne.

Avec le nouveau compromis, seules les marchandises vouées à être exportées en République d’Irlande, donc sur le marché unique européen, seront soumises à des contrôles.

« En retenant son souffle »

À l’approche du 25e anniversaire, en avril, de l’accord de paix ayant mis fin aux sanglants troubles, qui ont fait 3500 morts en trois décennies, l’accord a été salué lundi comme une « étape essentielle » pour la paix par le président américain, Joe Biden, et accueilli avec enthousiasme par Paris, Berlin, Dublin et les milieux d’affaires britanniques.

Comme le texte doit être soumis au vote des députés, le premier ministre a poursuivi le service après-vente de son accord mardi en fin de journée devant des élus de sa majorité dans l’espoir de tuer dans l’oeuf d’éventuelles velléités de fronde interne.

L’eurosceptique Steve Baker, secrétaire d’État chargé de l’Irlande du Nord, a souligné qu’il ne voyait pas « comment on pourrait avoir un meilleur accord ». « À présent, on attend de voir si le DUP est d’accord, en retenant son souffle », a-t-il déclaré.

Le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a quant à lui jugé « raisonnable » de laisser au DUP le temps nécessaire pour examiner l’accord.

Pour répondre aux attentes des unionistes, le Parlement local disposera d’un mécanisme lui permettant de bloquer l’application de nouvelles règles européennes en Irlande du Nord.

Le chef du DUP, Jeffrey Donaldson, a estimé mardi que l’accord répondait « en partie aux préoccupations » : « Il reste des questions sur lesquelles nous continuons à discuter avec le gouvernement, et nous prendrons notre temps » pour les étudier.

Voie verte, voie rouge : qu’est-ce que le cadre de Windsor ?

Conformément au « cadre de Windsor », les camions transportant des marchandises en provenance de Grande-Bretagne choisiront entre une voie verte et une voie rouge.

En pratique, que représente l’accord pour les entreprises britanniques qui expédient des marchandises à Larne ou à Belfast sur des traversiers au départ de Cairnryan, en Écosse, ou de Liverpool, en Angleterre ?

Selon Bruxelles, le nouveau cadre élargit le « système des opérateurs de confiance » prévu dans le protocole initial. Downing Street se vante d’avoir « ouvert une nouvelle voie verte ». Cela signifie qu’un plus grand nombre d’entreprises expédiant des marchandises de la Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord seront autorisées à s’enregistrer pour passer sans contrôles douaniers onéreux.

En vertu de l’accord initial post-Brexit, qui n’a jamais été pleinement mis en oeuvre, les marchandises expédiées vers l’Irlande du Nord étaient soumises aux mêmes contrôles que celles destinées à l’Irlande ou à toute autre partie du marché unique de l’UE.

Ainsi, les entreprises agréées qui choisissent la voie dite verte peuvent acheminer des marchandises destinées à la vente ou à la transformation en Irlande du Nord, si elles ne doivent pas être exportées en Irlande, membre de l’UE. Et au lieu de contrôles réguliers à l’arrivée, des contrôles aléatoires seront pratiqués pour rassurer Bruxelles sur le fait que les envois n’arriveront pas sur le marché de l’UE.

Les règles britanniques en matière de santé et de sécurité s’appliqueront aux marchandises, ce qui permettra aux magasins nord-irlandais de stocker les produits britanniques aussi facilement que ceux du reste du Royaume-Uni.

« Les marchandises restant au Royaume-Uni seront libérées de la paperasserie, des contrôles et des droits inutiles, et porteront seulement des informations commerciales ordinaires requises », précise la fiche d’information britannique.

La version bruxelloise, quant à elle, souligne que le marché de l’UE sera protégé par un accès en temps réel aux systèmes informatiques et aux bases de données des douanes britanniques aux fins de suivi des expéditions. Et il y aura « une autorisation et une surveillance robustes des systèmes d’opérateurs et de transporteurs agréés », souligne la Commission européenne.

Les marchandises destinées à l’Irlande devront, elles, emprunter la voie rouge à leur arrivée de Grande-Bretagne en Irlande du Nord et faire l’objet de contrôles sanitaires douaniers et vétérinaires complets de l’UE.



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