L’élève qui a tué sa professeure en France a été inculpé

L’adolescent de 16 ans qui a poignardé à mort son enseignante en plein cours, dans le sud-ouest de la France, a été inculpé vendredi pour assassinat et placé en détention. L’affaire a bouleversé la communauté éducative française, un peu plus de deux ans après l’assassinat de Samuel Paty, professeur décapité par un jeune islamiste radicalisé.
L’avocat de l’étudiant s’interroge toutefois sur son degré de responsabilité pénale. Les « motivations personnelles » de l’adolescent, inconnu des services judiciaires, « ont besoin d’être sondées, appréciées, testées par des psychiatres », afin de déterminer si son discernement était « entier », ou « au contraire aboli, ou éventuellement altéré », a déclaré à la presse Me Thierry Sagardoytho à la sortie du tribunal judiciaire de Bayonne.
Désormais en garde à vue, l’élève a poignardé sa professeure d’espagnol, Agnès Lassalle, 52 ans, avec un couteau de cuisine caché dans un rouleau de papier essuie-tout, à Saint-Jean-de-Luz, station balnéaire de la côte atlantique. Il « a mis en avant une petite voix qui lui parle », a déclaré jeudi le procureur de la République à Bayonne, Jérôme Bourrier.
Selon les premières déclarations de l’adolescent, qui a été placé en détention provisoire dans un établissement pénitentiaire pour mineurs, cette voix « l’incite à faire le mal et lui aurait suggéré la veille de commettre un assassinat », a ajouté le magistrat.
M. Bourrier a également indiqué qu’un premier examen de l’élève en garde à vue avait révélé « une forme d’anxiété réactionnelle pouvant perturber son discernement » et « des éléments de dépression évoluant depuis une année », mais « aucune maladie mentale de type schizophrénie, état maniaque, mélancolie ou retard mental, ni décompensation psychiatrique aiguë ».
« L’adolescent apparaît accessible à une responsabilité pénale sous réserve des expertises qui devront être ordonnées et d’une possible altération de son discernement », a ajouté le procureur.
« Ravagé » par son geste
Pour l’avocat, cette expertise « fait totalement l’impasse sur la tentative de suicide » de l’adolescent en octobre 2022, évoquée par le procureur, « et [sur] les prescriptions médicales dont il était l’objet ».
Cette tentative de suicide « questionne considérablement au regard de ce qui lui est aujourd’hui reproché », a-t-il poursuivi. « La prise en charge était-elle adaptée ? Des signes avant-coureurs ont-ils été décelés ? Visiblement non ».
« Lorsqu’il raconte les faits, à mon sens ce n’est pas lui qui agit. Lorsqu’on parle à la troisième personne de soi-même, je m’interroge sur une possible dissociation de personnalité », ajoute Me Sagardoytho.
L’adolescent « est évidemment ravagé par le geste qu’il a commis et qui lui est reproché », a également souligné l’avocat dressant le portrait d’un « garçon brillant dans les disciplines scientifiques, visiblement moins à l’aise dans la langue espagnole ».
Selon le procureur, l’adolescent a admis en garde à vue « une forme d’animosité à l’égard de sa professeure », mais il a aussi évoqué des « faits de harcèlement » subis dans son précédent établissement, un collège public de la même ville de Saint-Jean-de-Luz, ainsi qu’« une dispute », la veille, avec un autre élève.
Une de ses ex-camarades de troisième l’a décrit comme « un garçon timide » qui avait « deux ou trois amis mais pas beaucoup plus ». « Parfois arrogant » ou « colérique », il n’aimait « pas trop se faire reprendre par les professeurs en classe », selon elle.
Une communauté bouleversée
Jeudi après-midi, dans les collèges et lycées qui ne sont pas en vacances, une minute de silence a été observée en hommage à l’enseignante, décrite comme « très dévouée » par le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, « très gentille » et « à l’écoute » par un de ses élèves.
Elle « adorait ses élèves, aimait son boulot », a de son côté témoigné Stéphane, le compagnon de Mme Lassalle, au micro de la radio France Inter.
Sa mort a bouleversé la communauté éducative, un peu plus de deux ans après l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité par un jeune islamiste radicalisé.
Les agressions contre des professeurs sont fréquentes en France mais l’AFP a recensé moins d’une dizaine de meurtres sur les quatre dernières décennies.
Vendredi matin, à 8 h, les élèves du Collège-lycée Saint-Thomas d’Aquin, établissement catholique privé réputé pour son calme et ses résultats scolaires, ont à nouveau afflué à l’heure de l’ouverture du portail, sous les yeux de trois policiers postés à l’entrée. Certains avaient une fleur à la main.