Le système de santé de l’Angleterre face à la plus importante grève de son histoire

Le système de santé public britannique a connu lundi la plus importante journée de grève de son histoire, les infirmières et les ambulanciers ayant décidé de débrayer de concert pour réclamer des augmentations de salaire.
Comme l’avaient fait la semaine dernière enseignants, cheminots et gardes-frontières lors d’une journée de mobilisation sociale sans équivalent depuis une décennie au Royaume-Uni, le personnel du NHS, le service de santé public gratuit du pays, a rejoint les piquets de grève tôt lundi matin.
« Sous-effectif. Sous-évalué. Sous-payé », dénonce une pancarte brandie par deux infirmières de l’hôpital St. Thomas à Londres. « Les patients sont malades, nous sommes fatigués », lit-on sur une autre.
Opérations repoussées, urgences totalement débordées, attentes de plusieurs heures pour les ambulances… Le NHS, qui faisait il y a quelques années encore la fierté des Britanniques, traverse une profonde crise, affaibli par les politiques d’austérité en oeuvre depuis plus de 10 ans et les conséquences de la pandémie. Depuis sa création, en 1948, il n’avait jamais connu une grève d’une telle ampleur, des dizaines de milliers d’infirmières et d’ambulanciers arrêtant de travailler pour la première fois le même jour.
Ces derniers réclament une augmentation de salaire alors que le Royaume-Uni, où l’inflation dépasse les 10 %, fait face à une grave crise du coût de la vie. Mais ils se heurtent à un gouvernement conservateur qui refuse toute négociation face à ce mouvement soutenu par l’opinion publique.
Les infirmières seront de nouveau en grève mardi. Les kinésithérapeutes débrayeront jeudi. Et les ambulanciers seront de retour sur les piquets vendredi. Toute la semaine s’annonce donc difficile dans les hôpitaux.
L’organisation qui représente les hôpitaux, NHS Providers, a exhorté le public à utiliser les services d’urgence de manière « raisonnable » et a fait savoir que le service approchait d’un « point critique ». « Ça va être un véritable défi », selon Saffron Cordery, la directrice adjointe de NHS Providers.
Inflation et gel des budgets
Mme Cordery a appelé le gouvernement à s’asseoir autour de la table avec les syndicats pour trouver un accord. « Le personnel du NHS a dû faire face à une hausse vertigineuse du coût de la vie et de l’inflation », a-t-elle noté sur les ondes de la télévision Sky News.
Selon son syndicat, le Royal College of Nursing (RCN), le personnel infirmier a vu son salaire baisser de près de 20 % en 10 ans, en termes réels, en raison du gel des budgets imposé au NHS depuis la crise financière de 2008. Dans certains hôpitaux, des banques alimentaires ont même été ouvertes pour le personnel.
Pour autant, le gouvernement de Rishi Sunak, qui a dit la semaine dernière ne pas avoir de « baguette magique », ne bouge pas. Le ministre de la Santé, Steve Barclay, a même répété craindre que des hausses des salaires aggravent l’inflation.
Le mouvement de lundi a par ailleurs conduit à l’annulation de 80 000 rendez-vous et de 11 000 opérations, a-t-il affirmé lors d’une visite dans un hôpital londonien.
Pour le chef de l’opposition, le travailliste Keir Starmer, cette grève est un « insigne de honte » pour le gouvernement britannique après 13 ans de pouvoir conservateur.
Crise sociale
« Si nous devons donner une augmentation de salaire aux infirmières, nous devrons aussi regarder du côté des enseignants, des ambulanciers », a soutenu de son côté la secrétaire d’État chargée de la Santé mentale, Maria Caulfield.
Les enseignants étaient en grève le 1er février. Le mouvement touche également depuis des mois les cheminots, mais aussi la poste, la police aux frontières, etc. Cela coûterait « des milliards de livres sterling », selon Mme Caulfield.
Le mouvement de grève des infirmières touche principalement l’Angleterre, car des négociations sont en cours ailleurs. « Le gouvernement a choisi de punir les infirmières de l’Angleterre au lieu de se mettre autour de la table et de me parler de paie comme il l’a fait au pays de Galles et en Écosse », a dénoncé Pat Cullen, la secrétaire générale du RCN.
Pour ce qui est des ambulanciers, selon Sharon Graham, la cheffe du syndicat Unite, « le vrai problème, c’est qu’à aucun moment ce gouvernement n’a abordé la question de fond qu’est la rémunération ». Elle a prévenu le gouvernement qu’il y aurait un « cycle constant » de grèves s’il décidait de camper sur ses positions.