Après l’artillerie et les chars, des avions occidentaux pour Kiev?

Après l’artillerie et les chars, des avions occidentaux pour l’Ukraine ? Si Washington rechigne pour l’heure à envoyer des chasseurs américains à Kiev, certains pays européens n’excluent plus de franchir le pas pour renforcer les capacités aériennes ukrainiennes face à l’agresseur russe.
Après avoir opposé lundi à un refus catégorique à l’idée d’envoyer à l’Ukraine des avions de combat américains F-16, le président Joe Biden a déclaré mardi qu’il « allait parler » à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky de ses demandes pressantes en avions de combat et missiles à longue portée.
La position américaine évoluera-t-elle ? Les lignes rouges fixées par les alliés, par crainte de l’escalade avec Moscou, ont sauté les unes après les autres au fil du conflit : réticents au départ, les États-Unis ont fini par promettre à Kiev leur très performant système de défense antiaérienne Patriot, et tout récemment des chars, comme plusieurs pays européens. Sans susciter de surenchère militaire significative de la part de Moscou.
« Pour chaque première demande, il faut lutter contre le NON d’abord. Ça veut dire non en l’état d’aujourd’hui […] Je vous rappelle qu’avec le char allemand Leopard, c’était non d’abord et maintenant nous avons une coalition de chars », a relativisé mardi à Paris le ministre ukrainien de la défense, Oleksiï Reznikov.
Tout comme livrer des chars lourds à Kiev, fournir des avions de chasse ne contribuerait pas à une éventuelle escalade, estime Olivier Schmitt, chercheur au Center for War Studies (SDU), au Danemark.
« La livraison d’avions de combat de type F-16, qui permettraient à Kiev de conduire une campagne aéroterrestre encore plus performante, ne constituerait pas non plus une rupture symbolique caractérisant une escalade puisque ce type de combat aéroterrestre est typique des opérations militaires modernes », écrit-il dans la revue Le Grand Continent.
« Très polyvalent »
La fourniture d’avions de combats à l’Ukraine promet ainsi de continuer à faire débat. Berlin l’a exclu. Mardi, Varsovie a affirmé ne mener « aucune discussion officielle » sur le transfert de F-16 à l’Ukraine, tandis que Londres ne compte pas fournir d’exemplaires de Typhoon ou de F-35 dont il dispose. Ces appareils « sont extrêmement sophistiqués, ça prend des mois pour apprendre à les piloter. Nous pensons qu’il n’est pas pragmatique d’envoyer ces avions en Ukraine », a commenté mardi le porte-parole du premier ministre britannique.
Le président français Emmanuel Macron assure lui que « rien n’est exclu » sur ce type de cession mais que les Ukrainiens « ne font pas cette demande aujourd’hui » à Paris.
D’autres se disent en revanche prêts à le faire, dont la Slovaquie qui pourrait céder des Mig-29 soviétiques ou encore les Pays-Bas, qui ont entamé le remplacement par des F-35 de leur flotte de F-16, l’avion de chasse réclamé par le président Zelensky.
Tour comme le char allemand Leopard, « le F-16 est l’un des chasseurs les plus produits au monde, il y en a donc beaucoup, de nombreux pays européens en disposent », souligne Olivier Fourt, journaliste spécialisé en aéronautique militaire. « C’est un excellent chasseur, très polyvalent. Sur le papier, il emporte presque toute la panoplie américaine et OTAN d’armement air-sol et air-air ».
Toutefois, « en principe, aux États-Unis, les règles de réexportation sont très strictes », prévient-il.
Vulnérabilités
De l’avis des experts, les avions de chasse occidentaux permettraient de frapper dans la profondeur les troupes russes et de dissuader les bombardiers russes de pilonner centres urbains et infrastructures énergétiques. Mais ils ne seraient pas à eux seuls la solution militaire miracle et viendraient avec leur lot de contraintes et de vulnérabilités.
« Les avions de chasse occidentaux accroîtraient sans aucun doute la survivabilité et les performances air-air des forces ukrainiennes contre les Russes. Néanmoins, ils seraient exposés aux défenses antiaériennes russes, qui limiteraient leurs options d’attaques au sol », fait valoir Justin Bronk, expert militaire au centre de recherche britannique RUSI.
« En outre, il faudrait les disperser et limiter leur empreinte logistique pour éviter d’attirer des frappes russes de missiles sur les bases aériennes », souligne-t-il.
Enfin, « il faudrait trouver les pilotes ukrainiens à former. Or combien sont opérationnels aujourd’hui ? », s’interroge le général en retraite Jean-Paul Palomeros, ancien commandant allié Transformation au sein de l’OTAN, alors que l’armée ukrainienne a perdu une cinquantaine d’avions de chasse soviétiques en un an.
« Une armée de l’air ne se constitue pas du jour au lendemain », avertit l’ancien haut gradé, en jugeant que « les missiles de longue portée seraient une capacité critique plus facile à fournir » aux Ukrainiens pour frapper les Russes dans la profondeur.