Liz Truss s’accroche au pouvoir après l’abandon de son programme économique

« Désolée » pour ses « erreurs », la première ministre britannique, Liz Truss, s’est dite déterminée à rester au pouvoir, quelques heures après l’abandon de son programme économique, annoncé par son nouveau ministre des Finances.
Six semaines après l’arrivée de Liz Truss à Downing Street, son mandat semble moribond après une série d’humiliants revirements sur ses promesses de campagne. Dans une interview contrite à la BBC lundi soir, la cheffe du gouvernement a répété qu’elle était « désolée » pour ses « erreurs », estimant avoir voulu aller « trop loin trop vite ».
« Je resterai à mon poste pour tenir mes engagements pour l’intérêt national », a-t-elle affirmé, estimant qu’elle serait encore à la tête du parti pour les prochaines élections prévues dans deux ans, où l’opposition est archifavorite.
« J’ai agi rapidement pour réparer ces erreurs », a lancé Liz Truss à l’adresse de sa majorité, où les manoeuvres se multiplient en coulisse pour la pousser vers la sortie.
Son nouveau ministre des Finances, Jeremy Hunt, nommé vendredi dans l’urgence après la tempête sur les marchés déclenchée par le « plan de croissance » de son prédécesseur, Kwasi Kwarteng, tient désormais la barre du gouvernement après des semaines de chaos sur les marchés qui ont menacé la stabilité financière du pays.
Il a dévoilé lundi les grandes lignes du projet budgétaire de moyen terme qui doit être présenté dans sa totalité le 31 octobre. Avertissant de décisions « très dures » avec des compressions à venir dans les dépenses de l’État et des hausses d’impôt, un désaveu total du plan initial de Liz Truss, Jeremy Hunt a toutefois affirmé que le gouvernement ferait une priorité de « l’aide aux plus vulnérables ».
Autorité en lambeaux
La présentation, fin septembre, inflation?utm_source=recirculation&utm_medium=hyperlien&utm_campaign=corps_texte" target="_blank">de projets de baisses d’impôt massives et d’un soutien colossal aux factures énergétiques par Kwasi Kwarteng, non pleinement chiffrés et devant être financés par emprunt, avait fait craindre un dérapage des comptes publics.
La livre avait chuté à un plus bas historique, et les taux d’emprunt à long terme de l’État avaient flambé, fragilisant les fonds de pension et faisant grimper les taux d’emprunt des ménages et des entreprises, dans une économie britannique déjà à plat.
La Banque d’Angleterre avait dû intervenir pour empêcher la situation de détériorer en crise financière, et le Fonds monétaire avait appelé à rectifier le tir.
Alimentant les questions sur son autorité en lambeaux, Liz Truss a envoyé la ministre Penny Mordaunt, chargée des relations avec le Parlement, répondre à l’opposition à la Chambre des communes.
Mme Truss est ensuite apparue à Westminster aux côtés du chancelier de l’Échiquier, mais est restée silencieuse, le regard vide, pendant que ce dernier affrontait une opposition remontée.
Avec seulement 40 jours au pouvoir, elle risque de devenir le premier ministre ayant eu le plus court mandat jamais connu outre-Manche. « C’est une crise créée par les conservateurs à Downing Street, mais les gens ordinaires en paient le prix », a fustigé Rachel Reeves, responsable des questions financières au « Labour ».
Elle a demandé pourquoi le gouvernement ne taxait pas les producteurs d’énergie pour aider à financer des aides budgétaires et disant craindre le retour de « la saison 2 de l’austérité » après les compressions radicales des années 2010.
Réparer les dégâts
Le patron de Shell, Ben van Beurden, avait lui-même suggéré il y a dix jours que les gouvernements taxent plus les compagnies énergétiques face à l’envolée de leurs profits en pleine crise des coûts de l’énergie.
Signalant dans l’immédiat une détente sur les marchés, la livre a monté de près de 1,6 % à 1,13 dollar vers 20 h 30 GMT. Le rendement des obligations à 30 ans a clôturé à 4,38 %, en forte baisse comparé à vendredi mais bien plus élevé qu’avant l’arrivée de Liz Truss au pouvoir.
Parmi les annonces de lundi, « la plus grosse dépense », le plafond des factures énergétiques pour tous les ménages, sera finalement en vigueur jusqu’à avril seulement et non plus pour deux ans. Au-delà, le Trésor va réfléchir à une nouvelle approche « moins chère » tout en protégeant « les plus nécessiteux ».
Une longue liste de baisses d’impôt part ainsi à la poubelle, rejoignant une baisse du taux d’impôt sur les revenus des plus aisés déjà abandonnée. En revanche, une hausse de l’impôt sur les sociétés aura finalement lieu.
L’ensemble de ces mesures fiscales « permettront de lever environ 32 milliards de livres par an », a précisé M. Hunt.
Ces annonces « ne suffiront pas pour boucher les trous dans les plans budgétaires du gouvernement » ou pour « réparer les dégâts des dernières semaines », avertit le centre de réflexion IFS.