À Boutcha, le retour malaisé à une certaine normalité

En février, l’armée russe qui tentait alors d’encercler Kiev a pénétré dans Boutcha.
Miguel Medina Agence France-Presse En février, l’armée russe qui tentait alors d’encercler Kiev a pénétré dans Boutcha.

Dans une cour à l’arrière d’une grande maison de Boutcha, banlieue de Kiev devenue un symbole de la brutalité des forces russes, Maxime mange au calme avec son épouse et ses voisins.

Il y a environ trois mois, des soldats russes fouillaient sa maison et dormaient dans la chambre des enfants.

 

La famille était partie à l’époque : Anna, la mère, se trouvait en Roumanie ; Maxime, lui, avait emmené les deux enfants dans une zone plus sûre de l’Ouest ukrainien après le début de l’invasion russe le 24 février.

Aujourd’hui, toute la famille est réunie autour de la table et Maxime, un concepteur de sites Web âgé de 36 ans, observe : « Dans cette atmosphère, je me sens comme si rien ne pouvait arriver et que la vie est normale. Mais nous savons qu’il y a une guerre et qu’aucun endroit n’est sûr en Ukraine en ce moment. »

Sa maison, une bâtisse neuve de deux étages, n’a subi que des dommages mineurs durant l’occupation russe. Elle est située en bordure de cette banlieue au nord-ouest de Kiev où plusieurs jeunes familles venues de la capitale ont choisi de s’installer pour goûter une vie plus tranquille. « Les soldats russes ont dormi dans notre maison deux ou trois nuits, ont tout mangé dans notre frigo et nous ont laissé ceci », dit-il en montrant un paquet de rations militaires russes.

Des cicatrices

 

En février, l’armée russe, qui tentait alors d’encercler Kiev, a pénétré dans Boutcha. Quand les forces en ont repris le contrôle, un mois plus tard, des atrocités commises contre des civils ont été mises au jour.

Le 2 avril, des journalistes de l’Agence France-Presse découvraient dans la rue Iablounska les corps de 20 civils abattus. Dans cette même rue, trois mois plus tard, des enfants se promènent, écouteurs sur les oreilles, et des hommes rentrent du travail.

D’autres s’activent à réparer les dégâts des combats. Devant un immeuble, une femme blonde a les yeux fixés sur les cicatrices laissées sur l’édifice par des tirs d’artillerie, puis tourne la tête et soupire.

À quelques kilomètres de la rue Iablounska, une voisine de Maxime et Anna, Nastya Glyieva, pâtissière de 36 ans, se trouvait elle aussi en Roumanie quand les soldats russes sont arrivés à Boutcha. Pour ne pas rester prisonnière du manque d’informations, elle a travaillé comme bénévole à Filaret, une gare routière de Bucarest devenue un point de transit pour les réfugiés ukrainiens.

« L’enseignante de ma fille de 11 ans et toute sa famille ont été tuées », confie-t-elle. « Et je ne sais pas comment lui dire ça. »

« Nous entendons retentir des engins explosifs désamorcés par notre armée quasiment tous les jours », ajoute-t-elle. « Au début, ça me faisait sursauter, mais maintenant, c’est devenu normal. »

Un refuge de paix

 

Sa maison, achetée il y a un an, a été épargnée par les combats. Son beau-frère, Dmitri Gliev, est venu y habiter.

Ce cuisinier âgé de 20 ans a vécu auparavant quasiment un mois sous occupation russe dans son petit village près de Tchernobyl, repris depuis par les forces ukrainiennes. « [Fin] février, nous étions sous complète occupation, il y avait plus de 1000 Russes dans notre village », raconte Dmitri. « On nous a dit que ça ne durerait pas longtemps, mais ils sont restés là pendant un mois. […] Au début, j’avais très peur, j’avais mis mon matelas dans la salle de bains et je suis resté là durant trois jours. »

Maintenant, Dmitri est chargé du barbecue pour le repas chez Maxime.

 

« S’ils avaient pris Kiev, il n’y aurait plus d’Ukraine, de liberté, de culture ukrainienne, juste “une petite Russie”, observe Maxime. Mais moi, je ne vivrais jamais dans un pays comme ça. »

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