Le Canada autorise l’envoi des turbines en Allemagne

Le gouvernement allemand se trouvait depuis plusieurs semaines «en contacts intensifs» avec Ottawa pour obtenir le retour de cet équipement vers l’Europe en dépit des sanctions frappant la Russie.
Photo: Stefan Sauer Associated Press Le gouvernement allemand se trouvait depuis plusieurs semaines «en contacts intensifs» avec Ottawa pour obtenir le retour de cet équipement vers l’Europe en dépit des sanctions frappant la Russie.

Le gouvernement canadien va finalement autoriser la livraison en Allemagne de pièces d’équipement provenant d’un important pipeline de gaz naturel qui relie la Russie à l’Europe et qui ont fait l’objet d’un entretien récemment. Une décision décriée par Kiev qui souhaite voir le Canada revenir sur sa décision.

Les sanctions économiques imposées à la Russie plaçaient le Canada dans une situation délicate puisque le gouvernement Trudeau devait décider s’il renvoie en Europe ces turbines essentielles à la société russe Gazprom pour l’approvisionnement de gaz en Allemagne, même si l’Ukraine s’y oppose.

Selon Kiev, la décision d’Ottawa de permettre l’envoi d’équipement de ce genre constitue « un dangereux précédent » qui risque de compromettre les sanctions économiques imposées à la Russie par l’Occident.

Les turbines en question, de l’oléoduc Nord Stream de Gazprom, se trouvent dans une usine de l’entreprise allemande Siemens à Montréal « pour être remises à neuf », a confirmé plus tôt cette semaine le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, sans préciser toutefois pourquoi elles se sont retrouvées au pays.

Dans un communiqué diffusé tard samedi soir, le ministre Wilkinson a indiqué que « le Canada accordera à Siemens Canada un permis révocable et d’une durée limitée pour permettre le retour en Allemagne des turbines Nord Stream 1 réparées, ce qui soutiendra la capacité de l’Europe à accéder à une énergie fiable et abordable alors qu’elle poursuit sa transition en s’éloignant du pétrole et du gaz russes ».

Le ministre soutient avoir pris cette décision en ayant en tête les conséquences pour la population allemande lorsque l’hiver arrivera.

« En l’absence d’un approvisionnement nécessaire en gaz naturel, l’économie allemande subira des difficultés très importantes, et les Allemands eux-mêmes risquent de ne pas pouvoir chauffer leurs maisons à l’approche de l’hiver », précise la déclaration écrite.

Il a cependant réitéré le soutien du Canada à l’Ukraine qui se défend sans relâche face à l’invasion russe depuis le 24 février dernier.

Depuis, la Russie fait face à de multiples sanctions de la communauté internationale, dont le Canada.

Dimanche, les ministres ukrainiens des Affaires étrangères et de l’Énergie ont exprimé leur « profonde déception » en qualifiant la décision canadienne de «dangereux précédent qui viole la solidarité internationale» et qui « va à l’encontre de la règle de droit ».

Pour les ministres ukrainiens, la décision du Canada aura pour seule conséquence de « renforcer le sentiment d’impunité de la Russie ».

Siemens Energy avait déclaré à l’agence Associated Press à la mi-juin, après que Gazprom a commencé à réduire les flux de gaz, qu’elle n’avait pas été en mesure de retourner au client Gazprom une turbine à gaz qui alimente une station de compression sur le pipeline, dont la maintenance était planifiée après plus de 10 ans de service.

Les politiciens allemands ont rejeté l’explication russe de la réduction de 60 % des flux de gaz à travers Nord Stream 1, affirmant que l’équipement n’aurait pas dû être un problème majeur jusqu’à l’automne et que la décision russe était un stratagème politique pour semer l’incertitude et augmenter les prix.

La maintenance de l’équipement au Canada survient avant que Nord Stream 1 ne soit fermé pour un entretien annuel à compter de lundi. Au cours des étés précédents, les travaux ont mené à une fermeture d’environ 10 jours, mais le vice-chancelier allemand et ministre de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, a dit qu’il soupçonne que la Russie pourrait citer « quelques petits détails techniques » comme raison pour ne pas reprendre les livraisons de gaz.

La réduction de l’approvisionnement en gaz survient alors que l’Allemagne et le reste de l’Europe tentent de réduire leur dépendance vis-à-vis des importations d’énergie russes. L’Allemagne, qui a la plus grande économie d’Europe, obtient environ 35 % de son gaz pour alimenter l’industrie et produire de l’électricité à partir de la Russie.

Le mois dernier, le ministre Habeck est allé de l’avant avec la deuxième phase du plan d’urgence en trois étapes dans son pays pour l’approvisionnement en gaz naturel, avertissant que la plus grande économie d’Europe faisait face à une « crise » et que les objectifs de stockage pour l’hiver étaient menacés.

Vendredi, la société énergétique Uniper, le plus grand importateur de gaz russe en Allemagne, a demandé au gouvernement de l’aide financière pour faire face à la hausse des prix de l’essence.

La fabrication industrielle s’ajoute aux sanctions

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a annoncé samedi que le Canada a l’intention d’imposer de nouvelles sanctions à la Russie. La fabrication industrielle s’ajoute aux mesures existantes sur les secteurs du pétrole, du gaz et des produits chimiques. Ces nouvelles mesures interdiront aux services canadiens de contribuer à la production de biens fabriqués par ces secteurs. « Les nouvelles sanctions s’appliqueront au transport terrestre et par pipeline ainsi qu’à la fabrication de métaux et d’équipements de transport, informatiques, électroniques et électriques, ainsi que de machines », indique un communiqué d’Affaires mondiales Canada. Les entreprises canadiennes disposeront de 60 jours pour conclure des contrats avec les industries ciblées. Les secteurs du pétrole, du gaz, des produits chimiques et de la fabrication représentent plus de 50 % des recettes du budget fédéral de la Russie. Ces sommes sont notamment utilisées pour mener la guerre en Ukraine. Affaires mondiales Canada a déclaré qu’il espère ainsi « épuiser le trésor de guerre du président Vladimir Poutine et limiter davantage la capacité de la Russie à faire la guerre ». « La guerre injustifiable de Poutine a touché des millions de personnes en Ukraine et dans le monde. C’est pourquoi nous continuerons à cibler les coffres du régime russe. Le Canada ne relâchera pas ses pressions sur le régime russe », a mentionné Mélanie Joly dans un communiqué de presse.



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