Quelle majorité pour Emmanuel Macron aux législatives?

Largement élu à la présidentielle, le président Emmanuel Macron n’est toujours pas assuré d’une majorité à l’Assemblée nationale au terme du premier tour des élections législatives françaises, qui se tenait dimanche, un peu plus d’un mois après la présidentielle. Les partis de gauche exceptionnellement rassemblés au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) sont arrivés à égalité avec le parti présidentiel. Selon toutes les prédictions, la gauche dirigée par le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a cependant peu de chances d’obtenir une majorité d’élus, même si elle semble assurée de former la principale opposition au Parlement.
Depuis qu’en 2002, avec l’instauration du quinquennat, les législatives suivent immédiatement la présidentielle, tous les présidents ont obtenu une majorité renforcée aux élections législatives. Il semble pourtant que, pour la première fois, ce ne sera pas le cas pour Emmanuel Macron. Une première que le quotidien Le Figaro qualifiait dimanche soir de « coup de semonce ».
La coalition présidentielle renommée Ensemble est arrivée tout juste devant l’union de la gauche (NUPES), les partis récoltant respectivement 25,75 % et 25,66 % des voix, ce qui se traduit par une avance de 21 442 voix pour la coalition sur 23,3 millions de votes. Compte tenu de l’absence de réserves à gauche au second tour, même si Emmanuel Macron semble assuré d’obtenir une majorité à l’assemblée, toute la question est de savoir si celle-ci sera absolue ou relative. Dans ce dernier cas, le président serait obligé de gouverner avec le soutien occasionnel ou permanent d’un tiers parti, comme Les Républicains.
Au moment où ces lignes étaient écrites, les projections des instituts de sondage laissaient espérer entre 270 et 310 députés à Ensemble contre 170 à 220 pour la NUPES, la majorité absolue étant de 289. Selon tous les observateurs, Jean-Luc Mélenchon n’aurait donc pratiquement aucune chance d’être nommé « premier ministre », comme il l’annonçait de manière un peu péremptoire sur ses affiches. Il serait néanmoins assuré d’obtenir un fort contingent d’opposition à l’Assemblée nationale.
Largement en tête dans sa circonscription du Calvados, la première ministre, Élisabeth Borne, s’est dite convaincue d’obtenir une majorité de députés au second tour dans une semaine. « Nous sommes la seule force politique en mesure d’avoir la majorité à l’Assemblée nationale. Seule cette majorité forte et claire nous permettra de répondre aux urgences. Face à la situation du monde et à la guerre aux portes de l’Europe, nous ne pouvons être dans l’approximation. J’appelle toutes les forces républicaines à se rassembler autour de nos candidats. Ce sont nos valeurs qui sont en jeu, la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. »
À l’Élysée, au cours d’une conférence téléphonique réunissant plusieurs ministres et responsables de la majorité, le président a appelé ses troupes à « l’humilité et à la mobilisation ». Les militants rassemblés au quartier général du parti n’avaient cependant pas le cœur à la fête et ont quitté les lieux rapidement.
« Le parti présidentiel est battu et défait », a de son côté claironné le leader de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon. « Pour la première fois de la Ve République, dit-il, un président nouvellement élu ne parvient pas à réunir une majorité à l’élection législative […] j’appelle le peuple à déferler dimanche prochain. »
Avec 19 % des voix, le Rassemblement national voit son résultat progresser en comparaison des précédentes législatives, même s’il n’a pas manifesté beaucoup d’ambition dans cette élection. Le RN semble en bonne voie de pouvoir former, pour la première fois, un groupe conséquent reconnu à l’Assemblée nationale. « Si vous laissez faire, nous risquons d’entrer pour cinq ans dans un tunnel sans lumière », a déclaré la candidate du RN Marine Le Pen, élue dès ce premier tour à Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. Elle a invité « les électeurs à ne pas choisir entre les destructeurs d’en haut et les destructeurs d’en bas, entre ceux qui veulent vous priver de vos droits ni ceux qui veulent vous priver de vos biens ».
« Deux faces d’une même pièce »
Alors qu’il était arrivé quatrième à l’élection présidentielle avec 7 % des voix, l’ancien journaliste Éric Zemmour, qui se présentait dans le Var, a échoué à se qualifier au second tour. Son parti, Reconquête, ne sera donc pas représenté à l’Assemblée nationale puisque son autre candidat vedette, Guillaume Peltier, ancien élu LR, a aussi mordu la poussière dans le Loir-et-Cher.
De la petite ville de Cogolin, Éric Zemmour a malgré tout invité ses partisans à se battre contre Mélenchon et Macron, qui ne sont, dit-il, « que les deux faces d’une même pièce. Macron veut déconstruire l’identité française, Mélenchon veut la détruire. Macron prend son temps, Mélenchon est pressé ».
Il n’est pas la seule personnalité à avoir raté la marche des législatives. L’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer essuie une défaite amère, puisqu’il n’a recueilli que 18 % des voix dans sa circonscription du Loiret. Éliminé par moins de 200 voix, il a dénoncé des irrégularités. Les 15 ministres du gouvernement qui se présentaient aux législatives ont passé le cap du premier tour, même si c’est parfois de justesse. Ceux qui seront battus la semaine prochaine seront néanmoins dans l’obligation de quitter le gouvernement.
Si vous laissez faire, nous risquons d’entrer pour cinq ans dans un tunnel sans lumière
Dimanche soir, dans la majorité présidentielle, la cacophonie régnait sur les consignes de vote. Pour la première ministre, Élisabeth Borne, si aucun candidat de la majorité n’est au second tour, elles seront décidées « au cas par cas ». Elle a aussitôt été contredite par son ministre chargé de l’Europe, Clément Beaune, selon qui, entre le RN et la NUPES, il faut choisir cette dernière. Au contraire, l’ancien ministre Jean-Michel Blanquer invite à ne voter ni pour l’un ni pour l’autre.
Même sans candidat élu, les partis comptent sur cette élection pour financer leur parti pendant tout le quinquennat. Chaque voix rapporte un montant d’argent aux partis qui ont obtenu plus de 1 % dans au moins 50 circonscriptions. Le résultat définitif sera connu dimanche prochain à l’occasion du second tour. Entre-temps, on s’attend à ce qu’Emmanuel Macron entre sérieusement en campagne.