La grande visite d’António Guterres à Moscou se conclut par de petits résultats

Si peu. Trop tard. La visite du secrétaire général des Nations unies à Moscou mardi n’a pas permis d’infléchir la trajectoire de la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine. Au terme d’un tête-à-tête avec le président russe, Vladimir Poutine, António Guterres n’a en effet récolté qu’un vague accord de « principe » pour l’évacuation de civils coincés sur le site industriel d’Azovstal, dans le port ukrainien assiégé de Marioupol, et l’assurance que les négociations allaient se poursuivre entre Kiev et Moscou.
Plus tôt dans la journée, la rencontre de M. Guterres avec le chef de la diplomatie russe, l’oligarque Sergueï Lavrov, s’est conclue sur la même note : la Russie se dit prête à coopérer avec l’ONU afin de « soulager » les populations en Ukraine, mais rejette l’idée d’une « médiation dans les pourparlers entre la Russie et l’Ukraine », jugeant la chose trop hâtive dans le conflit en cours.
Lors d’une conférence de presse conjointe, M. Lavrov a par ailleurs indiqué que l’« opération militaire » russe en Ukraine demeurait « un avertissement dangereux pour les Nations unies », lui rappelant le principe de « souveraineté égale » des États membres que l’ONU, prétend Moscou, ne semble pas respecter.
Le Kremlin a amorcé le 24 février dernier l’agression de l’Ukraine en prétendant vouloir ainsi protéger la sécurité et la souveraineté de son territoire, menacé selon le Kremlin par l’avancée vers ses frontières des forces et influences occidentales. Depuis 2014, la Russie viole par ailleurs la souveraineté de l’Ukraine, par son invasion du pays puis son soutien aux séparatistes prorusses dans la région du Donbass, à l’est.
Toujours loin d’une solution diplomatique, les pays occidentaux ont réitéré leur soutien à l’Ukraine mardi lors d’une rencontre orchestrée par les États-Unis entre les responsables de la défense de 40 pays alliés en Allemagne afin de discuter des besoins immédiats de l’ex-république soviétique pour faire face à son agresseur.
« Nous allons continuer de remuer ciel et terre pour pouvoir répondre à [ses besoins] », a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, dans son discours d’ouverture. « Nous sommes tous ici à cause du courage de l’Ukraine, à cause des civils innocents qui ont été tués et à cause des souffrances que votre peuple endure encore », a-t-il dit à son homologue ukrainien, Oleksiy Reznikov. « L’Ukraine croit manifestement qu’elle peut gagner, et c’est aussi le cas de tout le monde ici. »
En marge de cette rencontre, la ministre canadienne de la Défense, Anita Anand, a d’ailleurs indiqué à une poignée de journalistes que le gouvernement allait envoyer à l’Ukraine un nombre indéterminé d’obusiers M777 de 155 millimètres, mais également des milliers d’armes antichars, des grenades et des lance-roquettes, a rapporté le New York Times.
Sur Facebook, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a déclaré : « Je peux dire quelque chose : l’armée ukrainienne aura de quoi se battre […] Nous sommes entrés dans une nouvelle phase, à laquelle personne n’aurait pensé il y a deux mois. Le transfert aux forces armées ukrainiennes d’armes de l’OTAN, aux standards de l’OTAN. C’est en cours. »
Poutine, pas sérieux
Par ailleurs, devant les élus du Congrès, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a affirmé que les États-Unis n’ont vu « aucun signe à ce jour » que le président russe, Vladimir Poutine, souhaite « sérieusement » mettre fin au conflit en Ukraine par la diplomatie. Il a rappelé que l’objectif de cette guerre était pour Moscou d’empêcher que l’Ukraine existe « comme un pays indépendant et souverain ».
Dans ce contexte, « notre objectif est de nous assurer que [les Ukrainiens] ont entre leurs mains la capacité de repousser l’agression russe et de renforcer leur position à une éventuelle table de négociation », a-t-il ajouté.
Les États-Unis semblent avoir fait évoluer leur objectif face à la guerre en Ukraine en affirmant ouvertement chercher l’affaiblissement militaire de la Russie pour l’empêcher de mener son agression à terme, et surtout pour éviter que ce type de guerre ne s’étende à d’autres territoires. « Nous voulons voir la Russie affaiblie au point qu’elle ne puisse plus faire ce genre de choses », a dit le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, lors d’une conférence de presse tenue en Pologne, et ce, après une visite surprise effectuée dimanche à Kiev. Washington table désormais sur la réduction de la capacité du Kremlin à « reproduire très rapidement » les forces et les équipements perdus par la Russie en Ukraine.
Les États-Unis ont promis cette semaine 713 millions $US supplémentaires d’aide à l’ex-république soviétique pour affaiblir la Russie.
Nous voulons voir la Russie affaiblie au point qu’elle ne puisse plus faire ce genre de choses
Entendu par la Commission du Sénat sur les relations extérieures, Antony Blinken, de retour d’Ukraine, a par ailleurs indiqué que ce pays avait enregistré une première grande victoire face à l’envahisseur. « À Kiev, nous avons vu les signes d’une ville dynamique qui reprend vie, des gens mangeant dehors assis sur des bancs, se promenant. C’était juste devant nous, a-t-il dit. Les Ukrainiens ont gagné la bataille de Kiev. »
Dans cette ville épargnée par les frappes russes depuis le 17 avril, les autorités locales ont d’ailleurs entrepris mardi le déboulonnage d’un monument de l’époque soviétique célébrant l’amitié ukraino-russe. « Huit mètres de métal de la prétendue “amitié des deux peuples” démantelés. Et ce qui est symbolique […] c’est que la tête de l’ouvrier russe est tombée », a raconté sur Telegram le maire de la capitale ukrainienne, Vitali Klitschko.
Avec l’Agence France-Presse