La campagne présidentielle de l’indifférence en France

Des manifestants se sont rassemblés pour protester contre Marine Le Pen, candidate de l’extrême droite, samedi dernier à Paris.
Photo: Christophe Ena Associated Press Des manifestants se sont rassemblés pour protester contre Marine Le Pen, candidate de l’extrême droite, samedi dernier à Paris.

« Il faut bien faire barrage. » Les mots sont dits sur le ton du dépit en haussant les épaules. Les rares distributeurs de tracts de la place du marché de Fécamp, sur la côte normande, ont l’air bien seuls en cette après-midi ensoleillée. Les passants les frôlent sans les voir. C’est sans grande conviction que ce militant socialiste est venu appeler à « faire barrage » à Marine Le Pen. Comme il avait fait en 2017. Mais il est le premier à reconnaître que cet entre-deux-tours « n’a rien à voir avec l’excitation d’alors ». Et encore moins avec celle de 2002, alors que Jean-Marie Le Pen avait créé la sidération générale en passant au second tour. À l’époque, 800 personnes avaient même défilé à Fécamp. « On est bien loin de tout ça aujourd’hui », dit-il.

Dans cette ville ouvrière dirigée par la droite depuis quelques années, Marine Le Pen est arrivée en tête du premier tour avec 31 % des voix. C’est 3 points de plus qu’en 2017. Rien à voir avec la ville bourgeoise d’Étretat, à 25 kilomètres de là, qui, avec son maire écolo, a plébiscité Emmanuel Macron à 38 %. Seul point commun, la hausse des abstentions, qui a progressé de plus de 7 points à Fécamp seulement.

La mobilisation en berne

 

À quatre jours du second tour, les appels à la mobilisation générale ne sont pas parvenus à troubler la léthargie du congé pascal. La campagne a beau entrer dans sa dernière ligne droite, l’indifférence semble devoir continuer à marquer cet entre-deux-tours. À preuve, la très faible assistance à l’assemblée d’Emmanuel Macron à Marseille, sur le promontoire du Pharo, samedi dernier, où il s’est livré à une profession de foi en faveur de l’écologie. À peine plusieurs « centaines de personnes » pour une assemblée où l’on arrivait « au compte-gouttes », selon les mots du reporter de BFM-TV qui était sur place.

Même chose pour les quelques milliers de manifestants qui ont défilé à Paris, à Lyon et à Marseille « contre l’extrême droite ». Une mobilisation sans commune mesure avec celles de 2002 ou de 2017. Mais, pour l’ancien ministre de droite Yves Jégo, ces faibles mobilisations ne présagent rien. « Le peu de monde présent à Marseille n’est en rien un signe d’échec électoral », a-t-il déclaré sur CNews.

Est-ce parce que les jeux semblent faits et que tous les sondages prédisent une victoire d’Emmanuel Macron entre 53 et 56 % ? Toujours est-il que la même indifférence semble s’être emparée des 21 % d’électeurs qui ont voté au premier tour pour La France insoumise (LFI), le parti de la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon. Ceux-là mêmes que courtisent, chacun à sa manière, depuis une semaine, Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le premier en proposant un vaste programme écologique dont son premier ministre, dit-il, serait directement responsable. La seconde en rappelant qu’elle est la seule candidate à ne pas proposer de porter l’âge de départ à la retraite à 65 ans.

Qu’à cela ne tienne. Deux électeurs sur trois parmi ceux qui ont voté Mélenchon et qui détiennent la clé de la présidentielle choisiraient dimanche prochain de s’abstenir ou de voter blanc. Selon un sondage Ipsos, à peine 33 % projetteraient de voter en faveur d’Emmanuel Macron au second tour, contre 16 % pour Marine Le Pen. Une consultation interne réalisée par LFI auprès de ses principaux soutiens annonce la même abstention massive.

Cela fait plus d’un an que près de 80 % des électeurs disaient ne pas vouloir d’un affrontement Macron-Le Pen au second tour. Résultat, entre le « barrage anti-Macron » et le « barrage anti-Le Pen », un nombre toujours plus grand de Français devrait choisir de s’abstenir. Alors que, traditionnellement, les électeurs ont toujours été plus nombreux à se mobiliser au second tour, la tendance s’est inversée en 2017. Pour la première fois, l’abstention a grimpé de trois points au deuxième tour. Les sondeurs s’attendent à la même chose dimanche, mais avec peut-être encore plus d’ampleur. Signe de cette indifférence, plusieurs villes, des Pyrénées à la banlieue parisienne, manquent d’assesseurs pour tenir les bureaux de vote.

Le débat revanche ?

Le débat télévisé qui se tiendra mercredi soir pourrait-il remobiliser les électeurs ? Selon les sondeurs, jamais un débat télévisé n’a vraiment changé le cours d’une élection ni modifié profondément les intentions de vote. Tout au plus peut-il les influencer à la marge. En ira-t-il autrement pour un débat qui apparaît comme le débat revanche de 2017 ? Marine Le Pen avait alors complètement perdu pied face au candidat Macron, notamment sur la question délicate de la sortie de l’euro. Une promesse sur laquelle elle est revenue depuis. Selon les observateurs, mercredi, un simple match nul pourrait apparaître comme une victoire pour la candidate.

Contrairement au débat de 2017, où elle s’était présentée au pied levé, Marine Le Pen a prévu de suspendre ses activités publiques mardi et mercredi. Elle doit se retirer dans l’ouest de la France afin de se préparer avec ses conseillers. Si Marine Le Pen doit absolument prouver sa compétence et sa maîtrise des dossiers, les sondeurs s’entendent pour dire que le président devra surtout faire attention de ne pas paraître arrogant.

Selon un récent sondage de l’IFOP, cette nouvelle confrontation se déroulera alors que l’image des candidats s’est passablement transformée depuis 2017. Si Emmanuel Macron est jugé plus présidentiable et plus apte à défendre les intérêts de la France à l’étranger, Marine Le Pen est jugée plus en mesure de défendre le pays contre le terrorisme, de régler la question des retraites et d’améliorer le pouvoir d’achat. Si 45 % la jugent plus « inquiétante » que le président, seuls 22 % des Français estiment que Macron est plus au fait de la vie quotidienne et des préoccupations des Français, contre 44 % pour Marine Le Pen. Pour ce qui est de la capacité de réformer le pays, les deux candidats sont pratiquement à égalité. Il ne reste que quatre jours aux Français pour les départager.

Le parquet de Paris étudie un rapport de l’agence antifraude de l’Union européenne (UE) accusant la candidate d’extrême droite à la présidentielle française, Marine Le Pen, et d’autres membres de son parti nationaliste d’avoir détourné des fonds publics alors qu’ils siégeaient au Parlement européen. Le rapport a été divulgué par le site d’information d’investigation français Mediapart. Le parti de Mme Le Pen, le Rassemblement national, cherche à réduire les pouvoirs de l’UE. L’avocat du parti, Rodolphe Bosselut, a dit que Mme Le Pen niait tout acte répréhensible et s’est interrogé sur le moment de la publication de Mediapart, juste avant le second tour de la présidentielle. L’agence antifraude de l’UE, l’OLAF, a remis son rapport le mois dernier au parquet de Paris, qui a indiqué lundi qu’il est « en cours d’analyse ». Aucune enquête officielle n’a encore été ouverte, et aucun autre détail n’a été publié. Selon Mediapart, le rapport a révélé que Mme Le Pen, son père et fondateur du parti, Jean-Marie Le Pen, et d’autres membres du parti qui ont siégé au Parlement européen ont utilisé 617 000 euros d’argent public à des fins « fictives », notamment au profit d’entreprises proches du parti.

Associated Press



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