La lutte électorale s'intensifie entre Macron et Le Pen

Les favoris du premier tour de la présidentielle française, le président Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, se sont affrontés à distance mercredi soir au moment où, selon les sondages, l’écart entre les deux se réduit, chacun insistant sur la défense du pouvoir d’achat des Français. Interrogé sur la chaîne de télévision privée TF1 pour savoir quelle serait leur première mesure s’il était élu le 24 avril, chacun a évoqué le maintien du pouvoir d’achat mis à mal par la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l’énergie notamment, ainsi que l’inflation.
Pour M. Macron, il s’agira de « maintenir un bouclier pour le prix du gaz et de l’électricité », et d’indexer les pensions de retraite sur l’inflation « dès cet été ».
De son côté, Marine Le Pen a indiqué que sa première mesure, si elle accédait à l’Élysée, serait « de baisser la TVA [taxe sur la valeur ajoutée] de 20 à 5,5 % sur l’ensemble de l’énergie » et de créer « un panier de produits de première nécessité » avec une TVA à 0 %.
Au même moment, sur la chaîne publique France 2, l’outsider de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, en troisième place dans les sondages, a dit vouloir, s’il est élu, réquisitionner les stocks français de céréales, dont l’approvisionnement est menacé par la guerre en Ukraine.
Interrogé sur le conflit en Ukraine, le président sortant, qui attaque désormais systématiquement l’extrême droite, a qualifié d’« infondées » et « scandaleuses » les critiques du premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, sur ses entretiens téléphoniques avec Vladimir Poutine.
« Ces propos sont à la fois infondés et scandaleux, mais ils ne m’étonnent pas », car M. Morawiecki, soutenu par « un parti d’extrême droite », « s’immisce dans la campagne politique française » après avoir « plusieurs fois reçu Mme Le Pen », qu’il « soutient », a déclaré le président-candidat.
La candidate du Rassemblement national (RN) a pour sa part réclamé le rappel de l’ambassadeur de France en Russie en signe de fermeté vis-à-vis de Moscou, accusé d’avoir commis des massacres en Ukraine.
Le scrutin peine à intéresser les électeurs : une abstention record — environ 30 %, selon certains sondages — plane sur cette présidentielle.
L’élection, qui engage 12 candidats, revêt pourtant des enjeux cruciaux, tant nationaux qu’internationaux, la France restant un poids lourd de l’Union européenne, qu’elle préside actuellement.
Face à une gauche éclatée et à une droite atone, les sondages évoquent depuis des semaines une qualification au premier tour d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, comme en 2017.
La candidate du RN, qui a lissé son image et édulcoré certaines propositions sans changer le fond de son projet sur l’immigration, est en hausse régulière dans les intentions de vote, atteignant 21,5 %, avec une accélération dans la dernière ligne droite (+4 points en deux semaines), selon un sondage Ipsos-Sopra Steria publié mercredi.
Elle est à cinq points de M. Macron (qui se situe à 26,5 %), mais loin devant M. Mélenchon, également en hausse (16 %).
Complaisance avec la Russie
M. Macron a bénéficié, avec la guerre en Ukraine, de l’« effet drapeau », qui l’a porté à plus de 30 % dans les sondages pour le premier tour il y a trois semaines, et où il apparaissait archifavori au second.
Mais désormais, sa cote s’est tassée au premier tour, et l’écart au second tour avec Marine Le Pen s’est réduit, selon des enquêtes d’opinion publiées mardi : 56 % contre 44 % pour Ipsos-Sopra Steria, et 53 % contre 47 % selon Elabe. Dans ce contexte, M. Macron a lancé ces derniers jours une offensive contre Mme Le Pen, se positionnant comme un rempart face aux extrêmes et en insistant sur sa fibre européenne.
Il a aussi dénoncé « la complaisance vis-à-vis de Vladimir Poutine » de certains candidats, sans les nommer.
Les candidats d’extrême droite Marine Le Pen et Éric Zemmour, ainsi que Jean-Luc Mélenchon, ont été critiqués pour leurs positions prorusses.
Affaire McKinsey
Souvent accusé d’être le président des riches, Emmanuel Macron fait face à une polémique causée par le recours des pouvoirs publics à d’onéreuses prestations de cabinets de conseil privés, notamment de l’américain McKinsey.
La justice française a ouvert le 31 mars une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale après un rapport du Sénat sur l’influence de ces cabinets sur les politiques publiques. M. Macron avait souhaité que la justice se saisisse d’éventuelles irrégularités.
La commission d’enquête du Sénat a assuré que les contrats conclus par l’État avec les cabinets de consultants avaient « plus que doublé » entre 2018 et 2021, atteignant un montant record de plus d’un milliard d’euros en 2021.
Elle a aussi accusé les entités françaises du cabinet McKinsey d’« optimisation fiscale », ce qui les aurait conduites à ne verser aucun impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020.
Souhaitant éviter de son côté tout faux pas pour ne pas casser sa dynamique ascendante, Mme Le Pen a annulé plusieurs événements cette semaine. Elle se prépare pour son dernier grand rassemblement partisan en terrain conquis, jeudi, à Perpignan.