L’Europe veut couper les deux tiers de ses importations de gaz naturel russe d’ici 2023

L’Union européenne pense possible de réduire de deux tiers ses importations de gaz naturel russe d’ici la fin de l’année, selon une ébauche de plan présentée mardi. La stratégie vise à développer de nouvelles sources d’approvisionnement. En parallèle, la Commission européenne lance un appel pour passer aux énergies renouvelables « sans plus tarder ».
« L’Europe dispose de quantités suffisantes de gaz pour les dernières semaines de l’hiver, mais nous devons reconstituer nos réserves de toute urgence pour l’année prochaine », a déclaré la commissaire chargée de l’énergie, Kadri Simson.
La Commission européenne entend donc imposer le remplissage à 90 % des réservoirs souterrains de gaz naturel au 1er octobre de chaque année, en amont de la saison froide. Des pourparlers sont également en cours avec d’autres pays producteurs pour importer la ressource sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) et par gazoduc.
La Russie, géant pétrolier et gazier, nourrit l’appétit européen en hydrocarbures. Les sanctions économiques des pays membres de l’Union européenne (UE) envers Moscou, très dures, épargnent toutefois le secteur fossile, vu son importance capitale pour l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Pour sa part, Washington a décidé d’interdire, mardi, les importations de gaz et de pétrole russe.
Les euros continuent néanmoins de couler à flots dans les coffres russes. La dépendance énergétique de l’Europe contribue ainsi au « trésor de guerre du Kremlin », reconnaissait la semaine dernière Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
« Le changement climatique provoqué par l’humanité et la guerre en Ukraine ont les mêmes racines : les combustibles fossiles, et notre dépendance envers eux », déclarait fin février la climatologue Svitlana Krakovska, à l’occasion d’une réunion du GIEC, la veille de la publication de son dernier rapport.
Forme d’urgence
Dans son ébauche de plan présenté mardi, l’UE propose d’accroitre les volumes de production et d’importations de biométhane et d’hydrogène. Elle mentionne également la nécessité de réduire la consommation de combustibles fossiles dans les habitations, l’industrie et le système électrique. Efficacité énergétique et lutte contre les « goulets d’étranglement » dans les infrastructures énergétiques sont aussi au menu.
« La guerre que mène Poutine en Ukraine démontre combien il est urgent d’accélérer notre transition vers une énergie propre », a déclaré Frans Timmermans, le vice-président exécutif chargé du pacte vert pour l’Europe, en marge de l’annonce.
Le groupe de réflexion Carbon Tracker, en faveur d’une décarbonisation accélérée, faisait remarquer la semaine dernière que l’énergie solaire et éolienne actuellement produite en Europe est moins chère que celle tirée du gaz naturel.
« Ce sont les politiques et la règlementation, et non des facteurs économiques ou technologiques, qui demeurent les barrières principales » ralentissant les investissements dans les énergies renouvelables, soutenait Carbon Tracker.
Déjà, de 2019 à 2021, les énergies renouvelables gagnent du terrain en Europe dans la production d’électricité (+44 terawatts par heure [TWh] par année) aux dépens du gaz naturel, qui en perd (-23 TWh par année), selon un rapport publié en février par le groupe de réflexion britannique Ember. Les changements peuvent être rapides : depuis seulement deux ans, l’Espagne et les Pays-Bas brûlent environ 20 % moins de gaz fossile pour produire leur électricité.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) exposait pour sa part la semaine dernière dix recommandations pour réduire la « dépendance » de l’UE au gaz naturel russe. Accélérer le déploiement de nouveaux projets solaires et éoliens, diversifier les sources de gaz, maximiser la production d’énergie nucléaire et améliorer l’efficacité énergétique en font partie.
Au chapitre des énergies renouvelables, l’AIE recommande notamment aux dirigeants de délivrer plus rapidement les permis aux promoteurs préparant de grands projets. Au niveau résidentiel, elle estime qu’un programme subventionnant 20 % des coûts d’installation de panneaux solaires permettrait de doubler les investissements dans le secteur à court terme.
Une autre solution faisait partie du bouquet proposé par l’AIE pour diminuer les besoins de l’Europe en gaz naturel dès l’hiver prochain : les thermopompes. Plus efficaces énergétiquement que les plinthes électriques, elles peuvent remplacer les fournaises fonctionnant au gaz naturel ou au mazout.
Déjà, les thermopompes sont en vogue en Europe. L’an dernier, deux millions d’unités ont été vendues — une croissance de plus de 25 % par rapport à 2020. En Allemagne (croissance de 28 %) et en Pologne (60 %), de nouvelles règles restreignant l’utilisation de combustibles fossiles pour le chauffage résidentiel ont stimulé l’engouement pour les thermopompes.
Tel que proposé mardi par la Commission européenne, le groupe de réflexion économique Bruegel estime lui aussi que l’Europe doit de toute urgence stocker du gaz naturel. Ses analystes estiment que l’UE pourrait complètement se passer de gaz naturel russe d’ici l’hiver prochain « sans que l’activité économique soit dévastée, que des gens gèlent ou que la distribution d’électricité soit perturbée ».