Une première ronde non concluante de pourparlers russo-ukrainiens sur fond de combats

De premiers pourparlers ont eu lieu lundi entre Moscou et Kiev. Les résultats sont néanmoins peu concluants pour l’instant, et cela n’a pas empêché les combats de se poursuivre et de s’intensifier, alors que la Russie poursuit son offensive en Ukraine.

Les négociations ont débuté à la frontière avec la Biélorussie, et les deux parties sont ensuite rentrées pour « consultations dans leurs capitales respectives ». Selon le négociateur en chef russe, Vladimir Medinski, les participants ont convenu d’une nouvelle rencontre pour « bientôt » à la frontière polono-biélorusse. Le contenu des discussions n’a pas été rendu public.

Vladimir Poutine a néanmoins rappelé ses conditions peu de temps après lors d’un échange avec son homologue français, Emmanuel Macron, président en exercice de l’Union européenne. Le dirigeant réclame la reconnaissance de la Crimée en tant que territoire russe, un « statut neutre » de Kiev et la « dénazification » de l’Ukraine, un terme chargé que plusieurs observateurs peinent à saisir et qui semble impliquer un changement de régime politique.

Un règlement « n’est possible que si les intérêts sécuritaires légitimes de la Russie sont pris en compte sans condition », a répété le Kremlin après leur conversation. L’Ukraine réclamait de son côté un cessez-le-feu et le retrait des troupes russes.

« Pour le moment, les demandes semblent irréconciliables », laisse tomber Magdalena Dembinska, professeure de science politique à l’Université de Montréal.

Elle doute que le conflit se résolve par la voie de la négociation et elle ne voit pas de règlement à l’horizon. « Je ne vois pas comment l’Ukraine pourrait accepter les revendications qui sont mises sur la table de négociation, dit-elle. Il est difficile de voir comment un compromis négocié dans les prochains jours pourrait satisfaire M. Poutine d’un côté et la population ukrainienne de l’autre. » Elle ajoute que lors des négociations qui ont mené à la signature des accords de Minsk en 2015, plusieurs cessez-le-feu n’ont pas été respectés.

« Les objectifs généraux de l’opération russe ne sont pas très clairs », note de son côté Guillaume Grégoire-Sauvé, expert de la Russie et chercheur invité au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM).

Il avance l’hypothèse que le dirigeant russe demande plus que ce qu’il attend réellement. « Qu’est-ce qui est une position de négociation, qu’est-ce qui est de la frime, on ne peut pas vraiment le savoir comme le contenu des négociations n’est pas public », dit-il. Les négociations sont de plus à la remorque de la situation militaire sur le terrain, ajoute-t-il.

Les combats se poursuivent

 

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a appelé lundi les soldats russes à « déposer [leurs] armes » pour « sauver [leur] vie », mais cette rhétorique guerrière n’a pas empêché l’armée de poursuivre ses bombardements et son avancée.

Lundi soir, un énorme convoi de blindés russes de près de 65 km de long progressait vers Kiev, selon des images satellites. Sur le terrain, l’armée ukrainienne a affirmé dans la journée avoir repoussé plusieurs tentatives des forces russes de prendre d’assaut les abords de la capitale.

Le couvre-feu a été levé lundi matin, et les forces russes sont attendues de pied ferme par une population mobilisée. « Nous les accueillerons avec des cocktails Molotov et des balles dans la tête, c’est comme ça que nous les accueillerons », a déclaré Viktor Rudnichenko, un employé de banque.

Photo: John Minchillo Associated Press De jeunes opposants à la guerre en Ukraine manifestaient devant l’Assemblée générale des Nations unies alors que se tenait une rare session extraordinaire d’urgence des 193 pays membres sur l’agression russe, lundi. Face aux appels à arrêter une guerre « insensée », la Russie a défendu son invasion.

Le paysage de la capitale ukrainienne s’est transformé. Des tranchées ont été creusées, des barricades de fortune ont été érigées dans les rues pour freiner l’avancée des chars russes et des points de contrôle ont été installés.

Le début des pourparlers a également coïncidé avec d’intenses combats à Kharkiv, deuxième ville du pays située à la frontière avec la Russie. Au moins 11 civils ont été tués lors des bombardements russes dans des quartiers résidentiels, a rapporté le gouverneur régional.

Loin d’être enlisées et supérieures militairement, notamment dans les airs, les forces russes disposent d’« une grande liberté de mouvement » à travers l’Ukraine, et les images satellites montrent de longues colonnes de véhicules à découvert, suggérant qu’« elles restent confiantes dans leurs propres positions et dans l’incapacité de l’Ukraine » de leur faire face, observe Nick Brown, de Janes, un centre de recherche britannique sur la défense.

La mise en état d’alerte des forces nucléaires par Vladimir Poutine, dimanche, a de son côté été reçue avec inquiétude et a réveillé de vieux démons. Les États-Unis ont toutefois affirmé lundi n’avoir détecté aucun changement « concret » dans la posture nucléaire russe.

Désir d’intégrer l’Union européenne

La Russie a dû défendre lundi l’invasion de l’Ukraine à l’Assemblée générale de l’ONU lors d’une session extraordinaire d’urgence de ses 193 membres, qui ont multiplié de leur côté les appels à arrêter la guerre, jugée « insensée ».

Une photo du président ukrainien signant un document pour demander à adhérer à l’Union européenne (UE) a de son côté circulé dans la journée sur les réseaux sociaux. « Nous nous adressons à l’UE en ce qui concerne une intégration sans délai de l’Ukraine via une nouvelle procédure spéciale », a déclaré Volodymyr Zelensky dans une vidéo. « Je suis sûr que c’est juste. Je suis sûr que c’est possible », a-t-il affirmé.

Cette procédure n’existe pas en tant que telle, et l’intégration à l’UE est habituellement un processus qui s’étire sur plusieurs années et qui nécessite des négociations complexes. Il exige en outre l’aval unanime des 27 pays membres.

Le Parlement européen votera mardi sur un projet de résolution, appuyé par tous les groupes politiques sauf un, qui demandera à ce que l’Ukraine soit candidate pour accéder à l’UE. « C’est un scénario qui était impossible il y a un mois, mais dans l’enthousiasme de solidarité actuelle, il n’est pas impossible que les Européens ouvrent la porte à l’Ukraine », explique Frédéric Mérand, directeur scientifique du CERIUM.

Il ajoute que la Hongrie est le seul pays qui pourrait mettre des bâtons dans les roues de l’Ukraine, puisque le premier ministre Viktor Orbán a des relations privilégiées avec Vladimir Poutine.

Plus de 500 000 personnes ont quitté l’Ukraine pour se réfugier dans plusieurs pays limitrophes depuis le déclenchement de l’offensive russe jeudi, selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés.

Avec l’Agence France-Presse



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