Fronde contre le renforcement des mesures sanitaires en Europe
La fin de semaine a été mouvementée dans plusieurs pays européens. L’opposition a été chaotique dans la rue en réaction au renforcement des mesures sanitaires pour contrer la hausse du nombre de cas de COVID-19. Ces événements sont le signe que l’allégement des restrictions a été trop rapide et qu’il est difficile pour la population d’accepter le fait qu’il faille « retourner en arrière », estime une experte.
À Bruxelles, en Belgique, dimanche, la police a utilisé des canons à eau et des gaz lacrymogènes contre un groupe de personnes qui lançaient des projectiles, lors d’un rassemblement qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes. La manifestation, tenue sous le mot d’ordre « Ensemble pour la liberté », avait pour but de dénoncer l’interdiction faite aux personnes non vaccinées d’accéder à des lieux comme des restaurants et des bars.
« C’est difficile pour les gens de comprendre qu’on doit retourner en arrière, analyse Nathalie Grandvaux, spécialiste des virus respiratoires et directrice du Laboratoire de recherche sur la réponse de l’hôte aux infections virales du CHUM. On leur a demandé de faire des efforts, il y a eu beaucoup d’optimisme au départ dans les communications et, finalement, on revient en arrière. »
« Il y a cette cinquième vague qui touche l’Europe. Cela fait un peu plus d’un an et demi que nous sommes là-dedans, et je pense qu’il y a cette impression qu’on revient toujours en arrière et qu’on recommence », ajoute la spécialiste.
Selon elle, il s’agit de la preuve que, au Québec, il ne fallait pas écouter ceux qui insistaient pour alléger plus rapidement les mesures. « On pourrait discuter pour savoir si c’était assez ou pas, mais notre gouvernement a décidé d’y aller relativement pas à pas, malgré la vaccination », estime-t-elle, en insistant sur le fait que les pays européens sont allés « bien trop vite ».
C’est difficile pour les gens de comprendre qu’on doit retourner en arrière. On leur a demandé de faire des efforts, il y a eu beaucoup d’optimisme au départ [...] et, finalement, on revient en arrière.
Des troubles ont également éclaté aux Pays-Bas pendant trois soirées consécutives pour protester contre un resserrement des mesures sanitaires. Les manifestations ont démarré vendredi, avec ce qui a été qualifié d’« orgie de violence » par le maire de Rotterdam. Quatre manifestants avaient été blessés par des tirs de la police. Le nombre d’arrestations s’élevait à 130 dimanche soir.
Hausse « fulgurante » en France
La situation inquiète par ailleurs particulièrement en France, où les cas augmentent rapidement. « Cette cinquième vague, elle démarre de façon fulgurante », a lancé dimanche le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. En moyenne calculée sur sept jours, le nombre de cas quotidiens a quasiment doublé en une semaine. Il était de 17 153 samedi, contre 9458 le samedi précédent.
Interviewé par France Info, Gilles Pialoux, infectiologue et chef du service des maladies infectieuses tropicales à l’hôpital Tenon, à Paris, estime toutefois que, pour l’instant, la France « maintient l’écart entre l’augmentation des nouveaux cas et l’augmentation de la rentrée dans l’hôpital ».
« Le terme “fulgurant”, je pense que c’est une impression politique. C’est son droit, mais ça ne correspond pas à une réalité mathématique », estime le spécialiste. Près de 75 % de la population totale a été adéquatement vaccinée en France.
En Autriche, par contre, seulement 66 % de la population a reçu ses vaccins, et un confinement total a été décrété jusqu’au 13 décembre, en réaction à une augmentation des cas à des niveaux inédits depuis le printemps 2020. L’Autriche est de plus le premier pays de l’Union européenne à rendre la vaccination obligatoire pour toute la population, mesure qui entrera en vigueur à partir du 1er février 2022.
Cela ne passe pas comme une lettre à la poste. Plus de 40 000 personnes ont manifesté à Vienne samedi pour dénoncer « la corona-dictature » et le « fascisme ». Rendre la vaccination obligatoire risque de « polariser encore plus les fronts plutôt que de convaincre les personnes hésitantes », a pour sa part affirmé au quotidien suisseLe Temps Alessandro Diana, médecin infectiologue à Genève et spécialiste de l’adhésion aux vaccins.
Et au Québec ?
Pendant ce temps au Québec, la hausse des cas en Europe fait craindre la possibilité d’une cinquième vague. Le sujet est matière à débat chez les spécialistes, puisqu’on considère que la situation européenne tend à se transposer chez nous plus tard dans le temps.
Nathalie Grandvaux, elle, est dans le camp des optimistes. « Nous avons beaucoup mieux géré notre quatrième vague que d’autres pays, et le taux d’hospitalisation est resté très bas », souligne-t-elle.
Elle ajoute que le taux de vaccination chez les 12 ans et plus est très important dans la province, à plus de 88 %. « Actuellement, quand on regarde les chiffres de nos cas, contrairement à ces pays, plus de la moitié sont chez les enfants d’âge scolaire », ajoute-t-elle.
Comme Santé Canada a autorisé le vaccin pour les enfants de 5 à 11 ans, la spécialiste a donc l’espoir qu’augmenter la vaccination chez les plus jeunes va diminuer « significativement » le nombre de cas. Si on garde les masques et le passeport vaccinal en place, elle estime que cela permettra d’éviter la même croissance qu’en Europe.
Avec l’Agence France-Presse