Série de raids contre la presse d’opposition et indépendante en Biélorussie

Les autorités ont bloqué jeudi le site Internet du plus ancien journal de la Biélorussie et effectué une série de perquisitions visant la presse indépendante, nouvelle étape dans la brutale répression de la contestation ayant secoué ce pays en 2020.
La pression ne cesse de s’accentuer sur les médias biélorusses, avec notamment le blocage du populaire site Internet tut.by et l’arrestation du journaliste et dissident Roman Protassevitch, après l’interception de l’avion dans lequel il se trouvait.
Jeudi, le ministère de l’Information a annoncé avoir ordonné le blocage de Nacha Niva, le plus ancien journal du pays entièrement passé en ligne en 2016 en raison de difficultés économiques, dont les bureaux comme les domiciles de plusieurs de ses journalistes étaient visés par des perquisitions.
Son rédacteur en chef, Egor Martinovitch, est soupçonné d’« organisation ou [de] préparation d’actes violant de manière grossière l’ordre public » et a été mis en état d’arrestation pour 72 heures, a annoncé ce journal sur sa chaîne Telegram.
Nacha Niva précise avoir perdu tout contact avec un de ses journalistes, Andreï Dynko, la femme de M. Martinovitch précisant que celui-ci a eu besoin d’un traitement médical en détention après la perquisition.
Fondé en 1906 par les grands noms de la littérature biélorusse moderne, ce journal avait fait l’objet de pressions économiques des autorités et été condamné en avril à 4500 euros d’amende pour « activité entrepreneuriale illégale », les réseaux de distribution de l’État cessant de leur côté de prendre en charge ses suppléments.
« Nacha Niva n’est pas juste un site Internet, c’est le plus ancien journal biélorusse », a dénoncé dans une vidéo diffusée sur Twitter la cheffe de file en exil de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, appelant à soutenir les « journalistes et les médias indépendants » de la Biélorussie.
« Détruire les médias »
Selon l’association biélorusse des journalistes, le rédacteur en chef d’un autre média indépendant, orsha.eu, a été arrêté et le site Internet dev.by, qui couvre l’actualité du secteur de la technologie — très actif dans la contestation du pouvoir du président Alexandre Loukachenko — a été bloqué.
L’ONG Viasna assure pour sa part que les rédactions de deux sites indépendants régionaux Brestskaïa Gazeta et Intex-press ont dit avoir fait l’objet de perquisitions.
Au moins 25 journalistes et autres employés de médias se trouvent actuellement en prison ou en résidence surveillée en Biélorussie, d’après l’association biélorusse des journalistes.
Certains sont jugés pour des affaires d’« extrémisme » et des journalistes ont été condamnés à de la prison pour avoir seulement couvert des manifestations.
Les autorités poursuivent ces derniers mois la répression du mouvement de contestation historique provoqué par l’élection, dénoncée comme frauduleuse, d’Alexandre Loukachenko pour un cinquième mandat.
Le mouvement a rassemblé pendant des mois des dizaines de milliers de manifestants avant de s’essouffler progressivement face aux arrestations, aux violences, aux exils forcés et aux procès.
Le site tut.by, le plus consulté de la Biélorussie et qui avait activement couvert les manifestations, a ainsi été bloqué en mai et une quinzaine de ses employés arrêtés pour évasion fiscale.
Deux journalistes de la chaîne d’opposition Belsat ont quant à elles été condamnées en février à deux ans de prison pour avoir fomenté des « troubles » en couvrant le mouvement de protestation de 2020.
Le point culminant a été atteint avec l’arrestation fin mai de Roman Protassevitch : l’avion de ligne dans lequel il voyageait a été intercepté au-dessus du territoire biélorusse et dérouté au motif d’une alerte à la bombe présumée.
Roman Protassevitch était l’ancien rédacteur en chef de Nexta, qui avait joué un rôle central dans la contestation en relayant les consignes des organisateurs des manifestations.