Indignation après la libération de l’assassin du juge Falcone

C’est Giovanni Brusca qui en 1992 avait actionné la télécommande qui fit exploser une bombe contenant 400 kg d’explosifs sous la voiture du juge près de Palerme, tuant Giovanni Falcone, sa femme, et trois gardes du corps.
Photo: Nino Labruzzo Associated Press C’est Giovanni Brusca qui en 1992 avait actionné la télécommande qui fit exploser une bombe contenant 400 kg d’explosifs sous la voiture du juge près de Palerme, tuant Giovanni Falcone, sa femme, et trois gardes du corps.

La libération anticipée de Giovanni Brusca, condamné notamment pour l’assassinat en 1992 du célèbre juge sicilien antimafia Giovanni Falcone, a causé mardi un choc en Italie, où la nouvelle figurait en première page de tous les journaux.

Giovanni Brusca, 64 ans, a été relâché lundi pour bonne conduite de la prison romaine de Rebibbia après 25 ans passés derrière les barreaux, période au cours de laquelle il avait accepté de collaborer avec les autorités. Il restera cependant sous liberté surveillée pendant quatre ans.

« Libération de Brusca, le chef le plus cruel », a titré La Repubblica. « Humainement c’est une nouvelle qui me fait de la peine, mais c’est la loi, une loi voulue par mon frère et qui doit être respectée », a réagi la sœur du juge Falcone, Maria, citée par le quotidien.

C’est Giovanni Brusca qui en 1992 avait actionné la télécommande qui fit exploser une bombe contenant 400 kg d’explosifs sous la voiture du juge près de Palerme, tuant Giovanni Falcone, sa femme, et trois gardes du corps.

La femme de l’entre-deux, Tina Montinaro s’est dite « indignée » : « L’État est contre nous, 29 ans après nous ne connaissons toujours pas la vérité et […] l’homme qui a détruit ma famille est libre ».

Brusca, l’un des collaborateurs les plus proches de Toto Riina, le chef de Cosa Nostra, la mafia sicilienne, avait été arrêté le 20 mai 1996. Après son arrestation, il avait accepté de collaborer avec la justice et de témoigner lors de nombreux procès. Selon les médias italiens, il a reconnu avoir participé à des centaines de meurtres.

« Sans voix »

Ce chef sanguinaire avait également enlevé en 1993 le petit Giuseppe Di Matteo, le fils de 12 ans d’un repenti. Après deux ans de séquestration dans des conditions innommables, il fut étranglé et son corps dissous dans l’acide, un acte de vengeance contre son père qui avait accepté de collaborer avec la justice. Selon la police, il s’agit « d’un des crimes les plus odieux dans l’histoire de Cosa Nostra ».

« Je ne trouve pas les mots pour exprimer mon amertume », a confié le père de Giuseppe, Santino Di Matteo, qui vit toujours dans un lieu tenu secret, au journal Il Corriere della Sera. « La vérité est que tous les gardiens et tortionnaires de mon fils sont libres. Tous chez eux. Et maintenant le chef qui a tout décidé et organisé rentre aussi chez lui », a-t-il dénoncé avant de conclure : « Ces gens-là ne font pas partie de l’humanité ».

La libération de Brusca a aussi été critiquée par de nombreux dirigeants politiques, de droite comme de gauche. Le chef du Parti démocrate (PD, centre-gauche) Enrico Letta l’a qualifiée de « coup de poing dans l’estomac (qui) laisse sans voix, on se demande comment c’est possible ».

« Il est impossible de croire qu’un criminel comme Brusca puisse mériter une quelconque faveur. Sa sortie de prison donne des frissons », a commenté l’ex-président du Parlement européen Antonio Tajani, coordonnateur national de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi (droite).

« Une personne qui a commis ces actes, qui a dissous un enfant dans l’acide, qui a tué Falcone, est selon moi une bête sauvage et ne peut pas sortir de prison », a réagi de son côté le chef de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini.

L’ex-procureur national antimafia et ex-président du Sénat Pietro Grasso n’y voit, en revanche, « pas de scandale ».

« L’indignation de nombreux politiques qui comprennent peu de choses au Code pénal et à la lutte contre la mafia m’effraie », a-t-il écrit sur Facebook.

« S’ils faisaient vraiment ce qu’ils disent, c’est-à-dire diminuer les réductions de peine à ceux qui collaborent avec la justice, l’incitation à se repentir diminuerait […] Au contraire, il faut d’importantes réductions de peine pour ceux qui aident l’État ».

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