Moscou expulse des diplomates européens pour leur appui à Alexeï Navalny

Alexeï Navalny était de nouveau au tribunal vendredi, accusé d’avoir diffamé un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui avait défendu dans une publicité, l’été dernier, un référendum ayant renforcé les pouvoirs de Vladimir Poutine
Photo: Courtoisie Alexeï Navalny était de nouveau au tribunal vendredi, accusé d’avoir diffamé un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui avait défendu dans une publicité, l’été dernier, un référendum ayant renforcé les pouvoirs de Vladimir Poutine

Moscou a annoncé vendredi expulser des diplomates européens pour avoir participé à des manifestations pro-Alexeï Navalny, peu après que l’UE a jugé les relations russo-européennes au « plus bas » du fait de l’emprisonnement et de l’empoisonnement de l’opposant.

Quelques heures après les pourparlers à Moscou entre le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et celui de l’UE, Josep Borrell, la Russie a réclamé le départ de diplomates d’Allemagne, de Pologne et de Suède. M. Borrell a « fermement condamné » ces expulsions et a « rejeté les allégations de la Russie » au sujet des diplomates.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a estimé « injustifiée » l’expulsion des diplomates, son chef de la diplomatie, Heiko Maas, ayant menacé la Russie de représailles si elle « ne reconsidère pas cette mesure ».

La Suède a fustigé une mesure « complètement infondée », alors que la Pologne a prévenu que la décision de Moscou risquait de porter préjudice aux relations bilatérales.

La participation des diplomates à des rassemblements « illégaux le 23 janvier » en soutien à M. Navalny à Saint-Pétersbourg et Moscou est « inacceptable et incompatible avec leur statut », ont estimé les autorités russes.

Relations « sévèrement tendues »

Cette annonce illustre l’état des tensions russo-européennes, alors que M. Borrell a, depuis Moscou, dénoncé l’emprisonnement de M. Navalny et la répression des manifestations en sa faveur.

« Il est sûr que nos relations sont extrêmement tendues, et l’affaire Navalny est un moment très difficile », a constaté Josep Borrell face à M. Lavrov, en réitérant « l’appel à une libération » de l’opposant et « au lancement d’une enquête impartiale concernant son empoisonnement ».

M. Borrell a souligné que « les questions d’État de droit, de droits de l’homme, de société civile et de libertés politiques » allaient rester au cœur de la relation russo-européenne, même si la Russie y voit une ingérence inacceptable.

Le président américain Joe Biden a lui aussi vivement critiqué la Russie, notamment pour son traitement d’Alexeï Navalny, des propos qualifiés de « très agressifs » par le Kremlin.

Ennemi juré du pouvoir russe, l’opposant de 44 ans a été condamné mardi à deux ans et huit mois d’emprisonnement pour avoir enfreint un contrôle judiciaire datant de 2014.

Lui accuse les autorités de vouloir le réduire au silence, car il a survécu, cet été, à un empoisonnement dont il tient le président Vladimir Poutine pour responsable. L’UE a adopté des sanctions contre des responsables russes face au refus de Moscou d’enquêter.

Vendredi, M. Borrell a précisé qu’aucune nouvelle sanction n’avait été proposée « pour l’heure » depuis l’emprisonnement de M. Navalny.

Malgré tout, MM. Borrell et Lavrov ont plaidé pour une coopération dans des domaines moins épineux, citant l’exemple du vaccin russe anti-COVID, Spoutnik V, « une bonne nouvelle pour l’humanité », selon l’Européen.

L’arrestation de l’opposant à son retour de convalescence a suscité des manifestations à travers le pays. De nombreuses ONG, des médias russes et les pays occidentaux ont dénoncé la répression brutale qui a suivi et conduit à quelque 10 000 arrestations émaillées de violences policières.

Navalny encore au tribunal

 

L’opposant était lui de nouveau au tribunal vendredi, accusé d’avoir diffamé un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui avait défendu dans une publicité, l’été dernier, un référendum ayant renforcé les pouvoirs de M. Poutine. Il avait qualifié les intervenants dans cette vidéo de « honte de la Nation » et de « traîtres ».

M. Navalny, qui risque une lourde amende voire une peine de prison, dénonce une accusation politique. « Les poursuites pénales contre Navalny sont liées uniquement à son activité politique, à sa critique des activités de Vladimir Poutine », a plaidé son avocat Vadim Kobzev.

Une prochaine audience est prévue le 12 février.

La victoire soviétique sur les nazis est centrale dans l’imaginaire collectif russe, et est célébrée par les autorités et la population ; les critiques à l’égard de vétérans sont généralement très mal perçues.

Outre ce dossier, l’opposant est visé par une enquête pour escroquerie, délit passible de dix ans de prison.

La plupart de ses proches collaborateurs ont été arrêtés ou assignés à résidence.

À voir en vidéo