La France punira la discrimination fondée sur l’accent

Le texte a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale par 98 voix contre 3 pour inscrire l’accent comme cause de discrimination réprimée par la loi.
Photo: David Niviere / Pool / AFP Le texte a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale par 98 voix contre 3 pour inscrire l’accent comme cause de discrimination réprimée par la loi.

Des députés témoignant d’une « forme de racisme » ou de « moqueries » : le Parlement français a adopté jeudi à une très large majorité une proposition de loi réprimant la discrimination fondée sur l’accent, avec le soutien du gouvernement.

Le texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale par 98 voix contre 3 vise à inscrire l’accent comme une des causes de discrimination réprimées par la loi, au même titre que l’origine ethnique, le sexe ou le handicap. La peine prévue s’élève à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.

La loi proposée par le député de l’Hérault, Christophe Euzet, a donné lieu à un débat animé et empli d’émotions.

Les minorités “audibles” sont les grandes oubliées du contrat social fondé sur l’égalité

La députée de Polynésie française, Maina Sage, a dénoncé une « forme de racisme » en évoquant les difficultés que peuvent rencontrer les personnes parlant, comme elle, avec des intonations d’outre-mer. Patricia Mirallès, fille de rapatriés d’Afrique du Nord, a évoqué le souvenir douloureux des « moqueries » envers l’accent pied-noir, qu’elle a brièvement repris dans son intervention.

D’autres élus ont dénoncé le fait, par exemple, que des journalistes au fort accent soient relégués « à la chronique rugbystique ou au bulletin météo ».

À l’inverse, Jean Lassalle a affirmé qu’il ne voterait pas le texte. « Je ne demande pas la charité, je ne demande pas à être protégé parce que je suis comme je suis », a-t-il lancé, avec son fort accent du sud-ouest de la France. Emmanuelle Ménard, élue d’extrême droite de Béziers, a, elle, jugé « inconvenant » de placer l’accent au même titre que le handicap au titre des motifs de discrimination.

Le ministre de la Justice et ancien avocat, Éric Dupond-Moretti, lui, s’est dit « archiconvaincu » par le texte. « À l’heure où les minorités “visibles” bénéficient de la préoccupation légitime des pouvoirs publics, les minorités “audibles” sont les grandes oubliées du contrat social fondé sur l’égalité », a plaidé M. Euzet.

Cette loi entend promouvoir « la diversité de prononciation de la langue française » en « prohibant les “discriminations par l’accent” que l’on constate factuellement dans les fonctions impliquant, tout particulièrement, une expression publique », selon son exposé des motifs. M. Euzet a précisé qu’il s’agissait de réprimer les discriminations dans le travail en particulier, mais pas le simple « humour » sur les accents locaux.

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