La France se reconfine pour un mois

À partir de jeudi soir et au moins jusqu’au mois de décembre, les bars, les restaurants et les commerces jugés non essentiels devront fermer leurs portes.
Photo: Philippe Lopez Agence France-Presse  À partir de jeudi soir et au moins jusqu’au mois de décembre, les bars, les restaurants et les commerces jugés non essentiels devront fermer leurs portes.

« Métro, boulot, dodo », c’est à peu près ce que les Français auront le droit de faire d’ici le 1er décembre. Dans une allocution télévisée, le président a annoncé mercredi soir le retour dès jeudi soir sur tout le territoire français d’un confinement général. Un confinement à peine plus allégé que celui de mars dernier qui implique la fermeture des commerces qui ne sont pas de première nécessité, l’interdiction des déplacements entre les régions et le retour de l’attestation pour tout déplacement autour du domicile.

Trois grandes exceptions s’imposent cependant. D’abord, les garderies, les écoles primaires et secondaires ainsi que les lycées ne seront pas fermés. Seules les universités devront se contenter de l’enseignement à distance. Ensuite, même si le télétravail est à nouveau généralisé, les déplacements seront autorisés pour aller travailler. Enfin, les visites dans les résidences de personnes âgées le seront aussi.

« Nous sommes tous débordés par une deuxième vague qui, nous le savons, sera sans doute plus dure et plus meurtrière que la première, a déclaré Emmanuel Macron. […] Quoi que nous fassions, près de 9000 patients seront en réanimation à la mi-novembre. […] Si nous ne donnons pas aujourd’hui un coup de frein brutal aux contaminations, nos hôpitaux seront très vite saturés. »

Seule note optimiste dans cette allocution de 25 minutes, le président a évoqué « l’espoir de célébrer en famille Noël et les fêtes de fin d’année ». Ce qui fait dire à plusieurs que la France pourrait déconfiner en décembre pour reconfiner en janvier.

Saturation des hôpitaux

 

Avec 1,2 million de cas confirmés et près de 200 000 patients atteints par la COVID, le pays semble revenu là où il était exactement le 28 mars dernier, 11 jours après le début du confinement décrété l’hiver dernier. Le niveau d’occupation des services de réanimation est déjà de 55 %. Selon l’Institut Pasteur, au rythme actuel, il pourrait être de 98 % dès le 6 novembre.

Quoi que nous fassions, près de 9000 patients seront en réanimation à la mi-novembre

 

Par certains côtés, la saturation des hôpitaux pourrait d’ailleurs être encore plus grave qu’au printemps dans la mesure où il sera plus difficile cette fois de reporter les interventions prévues pour d’autres affections, les listes d’attente étant déjà engorgées. De même, les transferts de patients d’une région à l’autre seront plus rares,l’épidémie n’étant plus concentrée sur quelques territoires.

Ces mesures, qui seront détaillées dès jeudi par le premier ministre Jean Castex, avaient filtré depuis quelques jours. Elles n’ont donc pas suscité de grande surprise. La colère est cependant vive dans certains secteurs de la population, en particulier chez les petits commerçants. Chez les restaurateurs qui avaient profité des vacances scolaires de la Toussaint pour se refaire, c’est la consternation.

« C’est un abattement total, nous sommes mercredi et on nous dit que notre dernier service ce sera demain soir, a déclaré à France Bleu Sabine Brochard, restauratrice à Orléans. Il va falloir de nouveau gérer nos stocks en catastrophe, vider nos frigos, alors que nos commandes sont déjà passées, puisque nous, on travaille des produits frais. »

Pas d’union nationale

Contrairement au confinement décrété en mars dernier, le président ne peut espérer cette fois d’union nationale autour de ses mesures. Une réunion convoquée avec les chefs de partis mardi par le premier ministre Jean Castex a tourné court.

À droite, certains comme le maire de Nice, Christian Estrosi, estimentque ces annonces auraient dû être faites il y a deux semaines au lieu de décréter un couvre-feu qui n’aura finalement duré que 10 jours. Pour le député socialiste des Landes, Boris Vallaud, « le gouvernement a perdu le contrôle du virus. Ce reconfinement est un échec de la stratégie du gouvernement et du président, qui nous assurait pourtant le 14 juillet que la France était prête pour affronter une deuxième vague ».

Photo: Philippe Lopez Agence France-Presse Des clients étaient assis à la terrasse d’un café de Bordeaux, dans le sud de la France, mercredi soir, au moment où le président Emmanuel Macron annonçait dans un discours télévisé de nouvelles mesures visant à freiner la propagation de la pandémie de COVID-19.

Même jugement sévère du côté du Rassemblement national. « Nous respecterons bien sûr les consignes, mais je persiste à dire que la gestion erratique de la crise et l’absence d’anticipation de cette 2e vague sont la raison de décisions qui seront très dures à surmonter pour beaucoup de nos compatriotes et de nos entreprises », a twitté Marine Le Pen.

De nombreuses critiques pointent le manque d’anticipation et le fait que le nombre de lits de réanimation (5000) n’a pas beaucoup augmenté en France depuis le déconfinement survenu en mai. Ils seraient aujourd’hui au nombre de 6000, et cela, malgré les promesses du ministre de la Santé, Olivier Véran, qui, en juillet dernier, avait avancé le chiffre de 12 000 lits pour cet automne. Mercredi soir, Emmanuel Macron a promis de les porter à 10 000, sans donner d’échéance.

Hervé Morin, président centriste de la région Normandie, n’hésite pas à parler de « mensonge ». « Où sont les lits de réanimation promis ? a aussi demandé le président des Républicains, Christian Jacob. On nous dit que c’est partout pareil en Europe, mais en Allemagne, ils en ont 25 000. »

Le MEDEF, le conseil du patronat français, met en garde depuis plusieurs jours contre un « effondrement de l’économie ». Déjà, avant l’annonce de ces mesures, le ministère de l’Économie prévoyait une chute de 10 % du PIB en 2020.

« Les entreprises sont aujourd’hui beaucoup plus fragiles qu’au mois de mars et beaucoup d’entre elles, notamment les plus petites, seraient dans l’incapacité d’assumer un endettement supplémentaire », a déclaré le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), François Asselin.

Le président a promis de réévaluer dans deux semaines l’interdiction d’ouvrir des commerces qui ne sont pas de première nécessité. Le gouvernement mise beaucoup sur les nouveaux tests antigéniques qui peuvent être administrés en pharmacie et donnent un résultat en 15 minutes. Ils seront offerts dès la semaine prochaine dans toutes les résidences destinées aux personnes âgées (EHPAD).

L’Allemagne s’impose un mois au ralenti

Angela Merkel a annoncé mercredi des mesures draconiennes pour endiguer la deuxième vague de COVID-19 en Allemagne, notamment la fermeture pour un mois des restaurants et des structures de loisir, assorties d’aides jusqu’à dix milliards d’euros pour permettre à l’économie d’amortir le choc. « Nous devons agir, et ce, dès maintenant » pour éviter de nous retrouver « dans un état d’urgence sanitaire », a insisté Mme Merkel, soulignant que les nouvelles règles s’appliquent à l’échelle nationale après un accord conclu lors d’une réunion de crise avec les chefs de gouvernement des seize régions allemandes, compétents dans le domaine sanitaire. Ils se retrouveront dans deux semaines pour examiner leur efficacité et, si nécessaire, les modifier. Même si le pays s’en sort — comme au printemps — toujours mieux que d’autres pays européens, les nouvelles infections ont récemment grimpé au-dessus des 10 000 cas quotidiens, avec un nouveau record de 14 964 cas mercredi.

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