Un pacte migratoire européen sous le feu des critiques

Durcissement sur les renvois des migrants irréguliers, contrôles accrus aux frontières extérieures, accélération des procédures : la réforme de l’asile présentée mercredi par la Commission européenne a été accueillie avec réserve par les États tandis que les ONG l’accusent d’avoir cédé aux gouvernements anti-immigration.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a défendu un équilibre « juste et raisonnable » entre « responsabilité et solidarité » entre les 27 : « Nous devons trouver des solutions pérennes sur la migration », a-t-elle plaidé.
Cinq ans après la crise de 2015, ce nouveau « pacte européen sur la migration et l’asile » prévoit que les pays de l’Union européenne (UE) qui ne veulent pas prendre des demandeurs d’asile en cas d’afflux devront en revanche participer au renvoi des déboutés du droit d’asile depuis le pays européen où ils sont arrivés vers leur État d’origine. Une façon de mettre tous les États à contribution en contournant le refus persistant de plusieurs pays, notamment ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) d’accueillir des migrants.
Consciente des difficultés à surmonter, la présidente Ursula von der Leyen rencontrera jeudi matin les premiers ministres hongrois, tchèque et polonais. Leur homologue slovaque, initialement annoncé, ne participera pas à l’entretien.
« Règlement Dublin »
Avec ce pacte, Bruxelles tire les leçons de l’échec des quotas de relocalisation décidés après 2015, en abandonnant le principe d’une répartition contraignante des migrants. Le projet prévoit de « rigoureux contrôles » aux frontières extérieures, de manière à écarter plus rapidement les migrants jugés peu susceptibles d’obtenir une protection internationale, dont le traitement sera accéléré, a affirmé le vice-président de la Commission Margaritis Schinas. Avec l’objectif de limiter ainsi le nombre de migrants entrant dans l’UE.
Par ailleurs, le « pacte » révise la règle consistant à confier au premier pays d’entrée d’un migrant dans l’UE la responsabilité de traiter sa demande d’asile. Ce « règlement Dublin », pilier actuel du système d’asile européen, n’a cessé d’alimenter les tensions entre les 27, en raison de la charge qu’il fait porter aux pays géographiquement en première ligne comme la Grèce et l’Italie.
Selon la proposition de la Commission, le pays responsable de la demande pourra être celui où un migrant a des liens familiaux, où il a travaillé ou étudié, ou alors le pays lui ayant délivré un visa. Sinon, les pays de première arrivée resteront chargés de la demande et un État soumis à une « pression » migratoire pourra demander l’activation d’un « mécanisme de solidarité obligatoire ».
En cas de « crise » similaire à celle de 2015, lorsque plus d’un million de réfugiés avaient pris l’Europe de court, un État devra prendre en charge la relocalisation des réfugiés ou le renvoi des migrants déboutés. Et s’il échoue à renvoyer des migrants dans leur pays d’origine dans les huit mois, il devra les accueillir. C’est pourquoi l’UE veut augmenter les retours de migrants en « intensifiant les négociations » avec les États d’origine ou de transit. Seulement un tiers des migrants déboutés quittent effectivement l’UE.
Un mécanisme de solidarité concernant les sauvetages en mer est aussi prévu par le nouveau pacte, qui propose d’épargner de poursuites judiciaires les ONG impliquées.
La proposition de la Commission devra être soutenue par les États membres et le Parlement européen.
« Faux départ »
Le nouveau pacte a suscité des réactions très contrastées. Les frontières européennes extérieures doivent rester « parfaitement étanches », a réaffirmé la Hongrie, tandis que l’Autriche a prévenu que la « relocalisation ne [devait] pas revenir par la porte de derrière ». La Slovénie a regretté l’inclusion du « concept de solidarité obligatoire » qui « divise les États ».
Eurodéputés et ONG étaient aussi très critiques. Pour Oxfam, la Commission « s’incline devant les gouvernements anti-immigration ». L’ONG allemande Sea-Watch, qui sauve des migrants en Méditerranée, a dénoncé des propositions « choquantes ». « Vendu comme un nouveau départ, ce pacte est en réalité conçu pour rehausser les murs et renforcer les barrières », s’indigne Amnesty.