Un dialogue s’ouvre entre Zelensky et Poutine

Dimanche, environ 5000 personnes sont descendues dans les rues de Kiev pour exhorter M. Zelensky à ne pas céder à la pression de son homologue russe.
Photo: Sergei Supinsky Agence France-Presse Dimanche, environ 5000 personnes sont descendues dans les rues de Kiev pour exhorter M. Zelensky à ne pas céder à la pression de son homologue russe.

Une première rencontre aura lieu entre les présidents ukrainien et russe, Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, à Paris, lundi, pour discuter du conflit opposant Kiev à des séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine. Cette réunion, où aucune réelle percée n’est espérée, a entraîné une manifestation de 5000 personnes, la veille, dans la capitale ukrainienne, exhortant Zelensky à ne pas céder aux pressions de Moscou.

Les deux présidents entament ainsi leur premier dialogue, lors d’un sommet qui se tiendra sous médiation française et allemande.

Ferry de Kerckhove, conseiller du recteur en matière de sécurité à l’Université d’Ottawa, se dit « fort sceptique » quant à l’issue de cette rencontre et doute qu’elle aboutisse à un accord apportant de réels changements.

« Je crois que ce sera un accord de continuer la discussion, un accord de continuer les mesures d’accalmie, les mesures d’écartement des forces en présence », prédit l’expert en politique étrangère et géopolitique, en faisant référence à l’accord de Minsk, conclu en 2015 dans le but de pacifier la zone de conflit.

Depuis 2014, Kiev et des rebelles prorusses s’opposent dans l'oblast de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine. Cette guerre a fait 13 000 morts et plus d’un million de déplacés.

Le président russe n’a pas grand-chose à perdre, en se présentant à cette réunion, et il peut espérer que son homologue français, Emmanuel Macron, et la chancelière allemande, Angela Merkel, favorisent un rapprochement.

« La vraie question, c’est : est-ce qu’il y a un avantage pour Poutine, à la fois en termes de politique intérieure et de politique internationale ? » résume M. de Kerckhove.

Selon lui, le souhait de Moscou de réintégrer le G8 et les sanctions imposées à la Russie depuis 2014 pourraient être pris en considération par Vladimir Poutine. « Même si Poutine s’en défend, ce sont des sanctions qui font quand même passablement de tort à l’économie russe », souligne celui qui a passé trois ans en Russie.

La rencontre représente toutefois un défi plus grand pour Volodymyr Zelensky, qui doit jongler avec deux de ses promesses électorales, soit faire un pas vers la résolution du conflit ukrainien et ne pas céder face au président russe.

 

« Zelensky doit sortir avec la mise en oeuvre de l’accord de Minsk. Mais pour cela, il doit aussi respecter l’engagement au niveau d’élections dans l'oblast de Donetsk », analyse M. de Kerckhove. « Jusqu’à quel point est-il en mesure de livrer cette notion de statut particulier ? [Cela] ne doit pas se traduire d’une façon directe ou indirecte par une absorption [de la région] par la Russie », explique-t-il.

Depuis son élection, le président ukrainien a négocié un échange de prisonniers avec la Russie et le retour de navires de guerre qui avaient été saisis par la flotte russe.

 

« N’ayez pas peur », M. Zelensky

Dimanche, environ 5000 personnes sont descendues dans les rues de Kiev pour exhorter M. Zelensky à ne pas céder à la pression de son homologue russe.

Les manifestants avaient répondu à l’appel, notamment, du parti de l’ex-président ukrainien Petro Porochenko.

« Notre position est très simple, c’est notre position commune : ne croyez pas Poutine, après tout le mal qu’il a fait à l’Ukraine. Notre deuxième position est un conseil ferme : n’ayez pas peur de Poutine », a déclaré l’ex-chef d’État lors du rassemblement baptisé « Des lignes rouges pour Zelensky ».

La manifestation a également attiré des militants du parti d’extrême droite Svoboda, dont plusieurs participants brandissaient des affiches aux slogans tels que « Non à la capitulation » et « Gaz russe — la corde autour du cou ». Environ 2000 personnes ont ensuite poursuivi la manifestation devant le bureau présidentiel en début de soirée.

Vendredi, le président ukrainien avait confié que « la seule chose » qu’il craignait, à l’occasion de sa rencontre avec son homologue russe, était de ne pas obtenir de résultat.

« De quoi aurais-je peur ? Je suis le président d’un pays libre. Je ne vends pas notre pays, jamais, à personne et pour rien. La vérité est de notre côté », avait-il déclaré lors d’une émission télévisée.

La Crimée au second plan

 

La question de l’annexion de la Crimée par la Russie il y a cinq ans pourrait être abordée lors de cette rencontre attendue, mais ne sera pas au coeur des discussions entre les deux présidents, estime M. de Kerckhove.

« Je crois que Zelensky a infiniment plus d’intérêts à discuter de l'oblast de Donetsk et des vies humaines dans ce conflit », explique-t-il.

Il croit néanmoins que le président ukrainien en glissera un mot à son homologue russe afin de satisfaire l’opinion publique. « Il devra revenir en disant : “J’ai soulevé la question de la Crimée.” Mais ce sera fait dans un contexte extrêmement réduit », prédit-il.

Avec l’Agence France-Presse

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