De grands prix sur la toute petite Islande

En Islande, les prix à la consommation étaient en moyenne 56% plus élevés que dans le reste de l’Europe en 2018.
Photo: Ethan Gruber Flickr En Islande, les prix à la consommation étaient en moyenne 56% plus élevés que dans le reste de l’Europe en 2018.

Il n’y a pas que le poisson qui soit salé en Islande : une nuit d’hôtel, un déjeuner, un morceau de vêtement ou un billet de bus coûtent en moyenne plus cher, voire beaucoup plus cher, que n’importe où ailleurs en Europe.

Sur l’île subarctique, les prix à la consommation étaient en moyenne 56 % plus élevés que dans le reste de l’Europe en 2018, faisant de l’Islande le pays le plus cher, devant la Suisse (52 %), la Norvège (48 %) et le Danemark (38 %), selon les données d’Eurostat actualisées fin juin.

Avant son départ pour l’Islande, Quint Johnson, venu des États-Unis en famille pour une semaine de vacances, avait fait « quelques recherches » pour éviter les mauvaises surprises.

« Mais ç’a été un choc » à l’arrivée pour cet étudiant de 22 ans, qui a découvert des tarifs épicés.

Pizza margherita affichée au prix de 2400 couronnes — soit près de 25 dollars canadiens (19 $US) — verre de vin passant allègrement la barre des 14 dollars (11 $US), pinte de bière standard avoisinant les 10,40 dollars (8 $US)… « C’est un sacré écart de prix comparé à ce dont j’ai l’habitude », a réagi, incrédule, Quint Johnson.

Selon le site comparatif Numbeo, un souper pour deux dans un restaurant de gamme intermédiaire est facturé en moyenne 123 dollars canadiens (95 $US), une bouteille de vin dans le commerce 25 dollars (19 $US), une douzaine d’oeufs jusqu’à 6,5 dollars (5 $US).

La faible population de l’Islande (355 000 habitants), conjuguée à une large dépendance aux biens importés et au niveau des taxes imposées sur les ventes d’alcool (une bouteille peut être taxée près de 95 % de son prix) expliquent en partie les prix élevés pratiqués sur l’île.

« L’Islande est si petite qu’il est très difficile d’obtenir les mêmes économies d’échelle qu’avec des entreprises situées dans des pays 100 fois plus grands », rappelle Konrád Gudjónsson, économiste en chef à la Chambre de commerce d’Islande.

L’agriculture y est aussi étroitement réglementée : les produits importés à base d’oeufs crus ou encore de lait non pasteurisé font face à d’importantes barrières douanières et sanitaires.

123 $CAD
C’est le prix moyen d’un souper pour deux dans un restaurant de gamme intermédiaire en Islande

Les fortes fluctuations de la devise islandaise enregistrées en 2016-2017 ont conduit à une hausse généralisée des prix. La couronne s’est toutefois dépréciée de quelque 11 % au cours du second semestre 2018.

Cependant, comme le souligne Konrád Gudjónsson, « il existe un lien étroit entre les prix élevés […] et le niveau de vie » des habitants.

En 2018, le salaire mensuel médian pour un emploi à plein-temps en Islande était de 632 000 couronnes avant impôts (4990 $US environ ou 6600 $CAD), selon l’institut statistique national.

Si le caractère dispendieux de la vie en Islande choque souvent les touristes même les plus avisés, il est en revanche tout à fait admis parmi la population locale.

« Il faut prendre en compte le niveau des salaires ici, parmi les plus élevés d’Europe en moyenne », souligne Breki Karlsson, président de l’Association islandaise des consommateurs.

Il faut prendre en compte le niveau des salaires ici, parmi les plus élevés d’Europe en moyenne

L’Association islandaise des consommateurs se dit attentive aux indicateurs économiques attendus cette année, particulièrement l’inflation, qui a augmenté au premier trimestre 2019, à 3,1 %.

« Si l’inflation est élevée, elle reflétera probablement la baisse du produit intérieur brut (PIB) et réduira ainsi le pouvoir d’achat de chacun », résume Konrád Gudjónsson.

Selon les prévisions de la Banque centrale, l’Islande devrait connaître en 2019 et pour la première fois depuis dix ans un ralentissement de son économie d’au moins 0,4 %.

Cette dégradation des perspectives s’explique principalement par une contraction du tourisme, mais aussi les difficultés dans le secteur de la pêche et particulièrement l’absence de pêche au capelan cette année, expliquait en mai la Banque centrale dans un communiqué.

Début mai, l’institut statistique national a de son côté annoncé prévoir une baisse de 0,2 % du PIB en 2019, contre une hausse de 1,7 % annoncée en février, un recul qu’il impute à la faillite de la compagnie aérienne à bas prix WOW Air, annoncée fin mars.

« Une forte récession pourrait conduire à une augmentation des prix des biens et services, mais une baisse des prix du logement », corrélée à la baisse du pouvoir d’achat, anticipe Konrád Gudjónsson.

Le prix des logements a augmenté ces dernières années en Islande. Le loyer moyen actuel pour un appartement avec une chambre dans le centre de Reykjavík se situe autour de 1900 dollars canadiens (1450 $US).

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