Munich championne des «start-up» et de la nouvelle économie

Nicola Breugst, professeure en entrepreneuriat à l’université technique de Munich
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Nicola Breugst, professeure en entrepreneuriat à l’université technique de Munich

Le Devoir poursuit son portrait de la capitale de la Bavière, souvent désignée meilleure ville du monde. L'exploration se poursuit avec un survol de la ville à l'avant-plan de l'innovation industrielle.

Quand la compagnie d’effets spéciaux de Montréal Rodeo FX a cherché une ville où installer son antenne en Europe, elle a d’abord songé à Londres et à Paris. Seulement, le Brexit pouvait rendre le futur recrutement de spécialistes étrangers risqué et le coût de la vie dans les deux capitales les rendait peu attrayantes. Il y avait bien d’autres choix possibles, de Barcelone à Berlin, mais finalement, Rodeo a installé sa nouvelle écurie à Munich, en plein coeur du continent.

« D’autres entreprises de notre secteur vont déménager de Londres à Munich », explique Sébastien Moreau, fondateur de l’entreprise, qui séjourne quelques fois par année dans la capitale bavaroise. « Le Brexit a ébranlé notre industrie. En Europe, dans notre domaine, il y a un marché de pigistes plus important qu’à Montréal et il faut s’installer dans des villes dynamiques, où le recrutement du personnel très qualifié demeure facile. »

Sa firme de pointe emploie plus 600 personnes dans le monde, principalement à Montréal. Les équipes réalisent beaucoup d’effets spéciaux pour les mégaproductions hollywoodiennes (Blade Runner 2049 par exemple).

Rodeo Munich existe depuis près de deux ans. Environ 25 personnes y travaillent, près de la gare centrale dans un ancien garage devenu ensuite un showroom, maintenant adapté aux besoins high-tech de l’entreprise. La direction du studio a été confiée à Thomas Hullin, ancien employé de Montréal, d’origine française, dont la femme, productrice pour la compagnie, est de Munich.

« On a eu beaucoup de difficulté à trouver ce local », dit M. Hullin, en donnant une preuve supplémentaire du dynamisme de la ville, également fournie par le nombre de grandes grues de construction partout sur le territoire.

« Il y a tout ce qu’on recherche ici, dit-il. Ce n’est pas Berlin pour la fête, mais il y a ce qu’il faut pour attirer des jeunes et l’offre culturelle est excellente. Les infrastructures de transport sont très développées. Les familles ont tous les services gratuitement. Les loyers sont encore raisonnables. Il y a des montagnes, des lacs à proximité. C’est une ville presque parfaite pour nous. »

Presque, parce que la compagnie a tout de même dû faire creuser la rue pour installer la fibre optique, l’Allemagne étant en train de s’adapter à cet équipement.

Pour le reste, MM. Hullin et Moreau font une liste d’avantages comparatifs munichois, dont la maîtrise de l’anglais du personnel, les crédits d’impôt concurrentiels, l’excellente école de cinéma et d’effets visuels de la ville et bien sûr l’appartenance à l’Union européenne.

La capitale des start-up

 

Un rapport de 2014 de la Commission européenne établissait déjà Munich comme la métropole du continent offrant les meilleures conditions de développement dans le domaine des technologies de l’information et des communications. Microsoft, Google, Amazon, IBM et Alibaba ont toutes des permanences ici. La structure industrielle classique est liée aux géants de l’automobile, dont BMW, bien sûr, mais aussi à Siemens.

Le dynamisme hypermoderne de la ville pourtant toujours bien respectueuse de ses traditions culturelles se mesure de mille et une manières. Un employé munichois sur trois possède un diplôme universitaire, deux fois plus que la moyenne nationale. Le taux de chômage se stabilise sous la barre des 4 %. La région métropolitaine comptait 94 200 compagnies en 2016. Et six des huit grandes sociétés de l’Index allemand DAX y ont leur siège social.

La ville est aussi la championne des start-up, devant Amsterdam, Milan, Barcelone et juste derrière Londres depuis 2017, pour le nombre de lancements d’entreprises.

« Munich est très reconnue pour ses grandes compagnies bien établies, mais nous sommes de plus en plus une ville d’entrepreneurs et d’innovateurs », dit la professeure en entrepreneuriat Nicola Breugst de la célèbre Technische Universität München (TUM), disons l’équivalent du MIT de Harvard pour l’Allemagne. « On mentionne toujours Berlin à l’extérieur de l’Allemagne. Berlin a choisi de se développer autour du Web et des applications. Nous, nous bâtissons sur notre écosystème économique et industriel en mettant l’accent sur la technologie. »

Fondé en 2002, l’UnternehmerTUM, l’incubateur de l’innovation et des affaires de l’université, se présente comme le plus grand centre du genre en Europe. Il est installé sur un magnifique campus récent au nord de la ville, mais évidemment accessible en train rapide. Le centre de recherche et de développement rassemble plus de 240 employés, 1500 participants aux différentes activités de création annuellement, une centaine de compagnies partenaires. Une bonne cinquantaine de projets de start-up y sont lancés chaque année.

La plateforme financée dans le cadre d’un partenariat public-privé possède un fonds de 100 millions d’euros environ 225 millions de dollars canadiens). C’est là par exemple qu’est né Flixbus, la plus grosse compagnie d’autocars intercités du continent, et Navvis, qui numérise très rapidement des lieux intérieurs, par exemple un espace à rénover.

Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Dans le laboratoire de l'UnternehmerTUM, une équipe prépare son prototype pour la Hyperloop Pod Competition.

Un nouveau centre, le Munich Urban Colab, est en développement au centre de la ville. Ses travaux et recherches se concentreront sur les projets de ville intelligente.

 

Normal. Munich se démarque particulièrement dans trois domaines: les technologies financières, la médecine et la mobilité. C’est dans ce secteur que se situe un des projets aperçus jeudi lors de la visite du laboratoire (le MakerSpace) au coeur de l’UnternehmerTUM. Trois jeunes s’activaient autour d’un gros tuyau incurvé, leur projet visant l’amélioration des hyperloops en développement dans le monde.

L’équipe comprenant une quarantaine d’étudiants, dont quinze plus impliqués, prépare son prototype pour la Hyperloop Pod Competition de SpaceX organisée cet été.

« Ce n’est pas encore une start-up, mais ce serait possible d’en devenir une d’ici une ou deux ans, a expliqué Rafael Nass d’Andrade, le chef d’équipe. On voudrait d’abord transporter des marchandises et après des personnes. Pour l’instant, on teste nos idées à petite échelle. Avec cette technologie, on en est là où les inventeurs de l’avion en étaient au début du XXe siècle. Beaucoup y travaillent, la plupart vont échouer, mais de l’effort collectif devrait émerger quelque chose de fonctionnel. »
 

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.

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