Munich et le vieux neuf

Une vue arrière de la chancellerie de Bavière occupe un immeuble de la fin du XIXe siècle conçu pour accueillir le musée de l’armée royale. La Façade dont les ailes ont été reconstruites en verre se déploie sur 160m.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Une vue arrière de la chancellerie de Bavière occupe un immeuble de la fin du XIXe siècle conçu pour accueillir le musée de l’armée royale. La Façade dont les ailes ont été reconstruites en verre se déploie sur 160m.

Si la musique donne à entendre une vision du monde, l’architecture et l’aménagement urbain lui donnent une forme. Et à Munich, cette forme expose un concentré de rapport fort complexe au passé, à la tradition et à la modernité.

Le visiteur est immédiatement frappé par la qualité de la préservation du centre historique, le Altstadt, des dômes de la cathédrale Notre-Dame (la Frauenkirche) au néogothique ostentatoire du Rathaus. Munich s’expose fièrement intacte, parfaitement préservée, à la même échelle depuis des siècles.

Sauf que presque tout ça, finalement, ce n’est que du vieux neuf. Munich, capitale idéologique et industrielle du régime nazi, a été férocement bombardée pendant la Deuxième Guerre mondiale. Environ 40 % de ses édifices ont disparu sous les bombes alliées et c’est d’ailleurs pourquoi le fameux procès de Nuremberg s’est tenu dans le palais de justice intact de cette ville bavaroise plutôt qu’à Berlin ou Munich, sous les décombres en 1945.

Deux options de reconstruction se présentaient aux habitants munichois. Soit reconstruire à l’identique ; soit passer à tout autre chose de moderne.

Dans son essai Munich and Memory (2000), l’historien de la culture et de l’architecture Gavriel D. Rosenfeld explique que pour reconstruire il fallait répondre à la question de fond consistant à se demander ce qui avait entraîner la destruction. Était-ce la tradition ? Dans ce cas vaudrait mieux s’en débarrasser et balayer les ruines des monuments multicentenaires. État-ce plutôt la modernité ? Alors vaudrait mieux s’accrocher aux legs des siècles pour faire paravent.

La lecture favorable à la tradition l’a visiblement emportée dans le chantier exceptionnel qui a tout reconstruit à l’identique, ou presque, en moins de deux décennies. Les premières projections de l’immédiat après-guerre étendaient pourtant les travaux jusqu’en 2000. Au centre-ville, plusieurs plaques posées sur les immeubles, comme des notices décrivant les oeuvres dans un musée, rappellent la date de la première construction d’un immeuble, puis a date de sa reconstruction.

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Sauf qu’à la longue, surtout au cours des dernières décennies, la lecture a changé et le magistère traditionaliste a fait place à des perspectives résolument modernes.

On le voit avec les immeubles qui ont poussé autour du Deutsches Museum, le plus grand de la ville qui reçoit 1,5 million de visiteur par année attirés par les collections sur la science et la technique, disons sur le génie allemand. Environ 20 % des réserves et 80 % des bâtiments ont disparus sous les bombes et les incendies. La reconstruction a commencé dès février 1945, alors que le régime nazi agonisait. Et maintenant, les immeubles limitrophes étonnent par leur audaces de formes, de couleurs et de matériaux.

Une troisième option d’aménagement se manifeste aussi. Celle-là, beaucoup plus rare, expose les ruines et multiplient les lieux de mémoire comme autant d’avertissements. C’est le cas par exemple avec les restes dynamitées des anciens mausolées nazis près de la Königsplatz.

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.



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