Mobilisation contre l’antisémitisme en France

Des milliers de Français étaient rassemblés mardi pour protester contre une résurgence de l’antisémitisme dans leur pays, encore illustrée mardi par la profanation d’un cimetière juif dans l’est du pays, répondant à un « appel au sursaut » lancé par des responsables politiques, religieux et associatifs.
« La République est un bloc », a lancé le président Emmanuel Macron, qui a déposé en début de soirée une couronne de roses blanches au Mémorial de la Shoah à Paris en compagnie des présidents des deux chambres du Parlement.
« Se rassembler, c’est nécessaire pour dénoncer ce qui n’est pas acceptable », a peu après déclaré le premier ministre Édouard Philippe, l’une des nombreuses personnalités politiques à manifester aux côtés des anonymes dans des dizaines de villes, de Marseille à Strasbourg.
Dans la capitale, c’est à la place de la République qu’affluait une large foule portant des pancartes « Non à la banalisation de la haine » ou « Ça suffit ! », le mot d’ordre de ce rassemblement.
« L’antisémitisme, ça n’est pas l’affaire des juifs, c’est l’affaire de tous les Français », a souligné l’ancien président socialiste François Hollande, présent sur la place, tout comme son prédécesseur Nicolas Sarkozy.
« Ça suffit les croix gammées, les insultes », a dit le président du parti Les Républicains (droite), Laurent Wauquiez.
Outre le premier ministre, plus de la moitié du gouvernement ainsi que des élus et personnalités de toutes obédiences politiques devaient prendre part à des rassemblements dans plusieurs villes de France.
De leur côté, les responsables des cultes (juif, catholique, protestant, orthodoxe, musulman, bouddhiste) et d’organisations laïques et de francs-maçons ont appelé au « sursaut des consciences » face à ces actes qui « meurtrissent la France tout entière ».
On prendra des actes, on prendra des lois et on punira
Vandalisme
Visage fermé, kippa sur la tête, le président Macron s’était auparavant recueilli en début d’après-midi dans le cimetière juif de Quatzenheim, en Alsace, où près de 80 tombes ont été découvertes profanées dans la matinée. Il a à cette occasion déploré un « échec » français dans la lutte contre l’antisémitisme, qu’il a qualifié de « négation de ce qui est la République et la France ».
« On prendra des actes, on prendra des lois et on punira », a promis le chef de l’État, la mine grave, dans le cimetière souillé de croix gammées bleues et jaunes.
Un acte « choquant » commis par de « sauvages antisémites », a dénoncé dans un communiqué le premier ministre d’Israël, Benjamin Nétanyahou, tandis qu’un de ses ministres appelait les juifs de France à émigrer vers l’État hébreu.

Avant même la profanation de mardi, les appels à manifester s’étaient multipliés pour dénoncer la recrudescence des actes antisémites en France ces derniers jours, comme ces insultes adressées samedi au philosophe Alain Finkielkraut par quelques manifestants gilets jaunes à Paris et la profanation des arbres plantés à la mémoire d’Ilan Halimi, un jeune juif torturé à mort en 2006.
Au total, la France a recensé 541 actes antisémites en 2018, un chiffre en hausse de 74 % sur un an, mais qui reste inférieur aux pics de 2014 (851) et de 2004 (974).
En 2018, l’Agence juive estimait à 45 000 — un dixième de la communauté — le nombre des juifs de France ayant fait leur aliyah, l’émigration vers Israël, en une décennie.
Ces chiffres ne prennent pas en compte les départs vers d’autres pays, comme le Canada et les États-Unis, ni les déménagements de milliers de familles à l’intérieur de la France, à la recherche de quartiers plus sûrs.
Une double origine
L’antisémitisme en France a désormais un profil varié, nourri de ses racines traditionnelles dans ce pays, mais aussi du radicalisme islamiste, la population de tradition musulmane y ayant très fortement augmenté ces dernières décennies. Le premier ministre a fustigé la semaine dernière « les vieilles racines de l’antisémitisme français et les nouvelles ».
Le phénomène ne touche pas que la France, les autorités allemandes ont relevé une hausse « effrayante » du nombre des actes antisémites en 2018, là encore de double origine, d’extrême droite et arabo-musulmane.
Plusieurs responsables politiques français dénoncent la présence de personnes antisémites actives dans le mouvement des gilets jaunes qui manifestent tous les week-ends depuis trois mois contre la politique économique et sociale du gouvernement.
« Il serait faux et absurde de dire que le mouvement des gilets jaunes est antisémite », a estimé Édouard Philippe. Mais « à l’occasion de la crise des gilets jaunes, un certain nombre de garde-fous ou de digues sont tombés ».