Le gouvernement refuse de se plier au veto présidentiel

Le gouvernement conservateur polonais a annoncé lundi soir qu’il comptait maintenir sa réforme controversée de la Justice en dépit du veto opposé par le président, Andrzej Duda.
« Nous ne céderons pas aux pressions de la rue et de l’étranger », a lancé la première ministre, Beata Szydlo, à la télévision. Elle a également déploré que le veto présidentiel ait « ralenti » la réforme et soit « peut-être incompréhensible pour ceux qui attendent le “bon changement”», mot d’ordre tiré de la dernière campagne électorale de son parti Droit et Justice (PiS).
Le veto « a été perçu comme un encouragement par ceux qui se battent pour maintenir un système injuste, le système des grands et petits abus et de l’oppression pour nombre de citoyens honnêtes », a-t-elle dit.
Mme Szydlo répondait au veto opposé lundi matin par le président aux lois sur la Cour suprême et sur le Conseil national de la magistrature, une décision surprise qui a choqué le PiS, parti dont M. Duda est lui-même issu.
Les deux textes donnent un rôle accru au Parlement, donc à la majorité politique, et au ministre de la Justice, dans la nomination des juges.
Selon leurs adversaires, les deux lois menacent l’indépendance de la justice polonaise. Le PiS les justifie par la nécessité de rationaliser le système judiciaire et de combattre la corruption de la « caste » des juges.
Lundi soir, la première ministre a également énuméré trois points que la réforme devra contenir, sans possibilité, selon elle, d’y déroger. Les juges soupçonnés de corruption « doivent partir ». Des procédures disciplinaires doivent être introduites contre ceux qui s’en rendent coupables et qui sont « aujourd’hui pratiquement intouchables ». Enfin, « les gens doivent reprendre le contrôle des tribunaux », a-t-elle ajouté, sans plus de précisions.
Immédiatement après son discours, la télévision publique a diffusé une adresse solennelle du président Duda. Il a réaffirmé que la réforme de la justice était nécessaire, mais qu’elle devait être conforme à la Constitution.
En vertu du veto présidentiel, les lois seront renvoyées devant le Parlement et il faudrait une majorité des trois cinquièmes — dont le PiS ne dispose pas — pour les adopter sous leur forme actuelle.
Surprise
Le veto du président a créé la surprise dans les rangs du PiS, car M. Duda semblait jusqu’à présent resté très proche du parti dont il est issu.
Il a expliqué son veto par son refus de donner un rôle trop important au procureur général qui cumule cette fonction avec celle de ministre de la Justice.
« Il n’entre pas dans notre tradition que le procureur général puisse s’ingérer dans le travail de la Cour suprême », comme le prévoyait la nouvelle loi, a dit le président, dont la décision a été immédiatement saluée par l’opposition.
Andrzej Duda a ensuite annoncé qu’il allait lui-même présenter une nouvelle version des deux lois, qu’il espère préparer en l’espace de deux mois.
Cependant, le porte-parole de M. Duda a annoncé que le président signerait une troisième loi controversée sur la Justice. Celle-ci permet au ministre de la Justice de remplacer les présidents de tous les tribunaux de droit commun sans se justifier.
La décision a été annoncée après plusieurs jours de manifestations de rue. « Nous voulons le veto », ont encore scandé la veille des manifestants devant le palais présidentiel.
Lundi soir, un nouveau rassemblement devant le palais présidentiel réclamait « un troisième veto », alors qu’un autre se tenait devant la Cour suprême pour entendre sa présidente Malgorzata Gersdorf remercier les manifestants pour leur soutien.
La semaine dernière, Bruxelles a sommé Varsovie de « mettre en suspens » ces réformes, agitant la menace de possibles sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension de ses droits de vote du pays au sein de l’UE. La situation doit être examinée par le collège des commissaires mercredi.
L’ancien président Lech Walesa s’est dit « agréablement surpris » par le veto.
« Le peuple se réveille, les jeunes se réveillent. Nous ferons en sorte que ces gens-là [les conservateurs] quittent le mauvais chemin ou bien nous arriverons à les remplacer », a dit l’ancien chef historique du syndicat Solidarité.