Leçons et projections des législatives françaises

La République en marche du nouveau président Macron domine sans appel les législatives.
Photo: Christophe Petit Tesson Agence France-Presse La République en marche du nouveau président Macron domine sans appel les législatives.

Les jeux du premier tour des législatives françaises sont faits depuis dimanche. La République en marche du nouveau président Macron domine sans appel avec le tiers des voix (32,32 %) dans une lutte l’opposant à plus de vingt partis. Mais que faut-il attendre de la suite des choses et quelles sont les conséquences déjà rationnellement prévisibles de ce scrutin hors norme ?

Mode de scrutin. L’Assemblée nationale compte 577 circonscriptions. Le mandat des députés dure cinq ans. Les élections législatives se déroulent selon un mode de scrutin majoritaire à deux tours. Le premier a eu lieu le 11, le second suivra le dimanche 18 juin. Un candidat est élu dès le premier tour s’il récolte plus de 50 % des voix représentant au moins 25 % des votes des inscrits sur les listes électorales. C’est le cas de quatre et seulement quatre candidats cette fois, trois députés sortants et un nouveau venu. Ils étaient 36 à passer en 2012 et 110 dès le premier tour en 2007. Les candidats qui ont reçu au moins 12,5 % des voix passent maintenant en ballottage, au second tour. Une triangulaire se produit quand ils sont trois. Il n’y en a qu’une cette fois, dans l’Aude, par rapport à 32 en 2012.

Désintérêt. L’abstention record, touchant plus d’un électeur sur deux, explique cette situation exceptionnelle de lutte quasi exclusive à deux pour le second tour. La participation au premier ne cesse de décroître en France. Elle était de 69 % aux législatives de 1988. Le faible taux actuel, à moins de 49 %, explique aussi en partie la débandade de certaines formations dimanche. Pour minimiser un peu les effets de la déferlante, elles devront réussir à fouetter leurs troupes dimanche prochain.

Explosions. Les projections donnent entre 400 et 455 des 577 sièges de l’Assemblée nationale à La République en marche et à son allié électoral, le MoDem. Le scrutin a dynamité la vieille classe politique, mais a aussi mis en évidence l’immensité du chantier de renouvellement de la vie publique française, marquée par une fatigue et un cynisme profonds. La droite et la gauche traditionnelles, incapables de se refondre, se retrouvent laminées. Au bout du compte, les socialistes récolteront peut-être une trentaine de députés — ils en avaient dix fois plus à la dissolution de l’Assemblée — et la droite autour des Républicains au plus 110 élus.

Extrêmes. La France insoumise (LFI), de la gauche radicale, et le Front national (FN), de la droite extrême, ne maintiennent pas leurs gros scores de la présidentielle du mois dernier. Les deux formations des extrêmes seront même vraisemblablement sous-représentées en députés par rapport à leur score. LFI et le Parti communiste récolteraient moins de 20 sièges, le FN moins de 5. Avec un score sous 14 % au premier tour, le Front national réalise une performance inférieure à celle des législatives de 2012, pour une saignée totale d’un demi-million de voix. La formation de la droite nationaliste misait sur les triangulaires pour se faufiler. Ses candidats passent à la seconde manche — et très souvent en position d’extrême faiblesse — dans 118 circonscriptions seulement. Des ténors remettent déjà en doute la position de leur parti sur la sortie de l’euro, monnaie que les électeurs veulent visiblement conserver. Plusieurs continuent de réclamer un changement de nom qui aiderait à « dédiaboliser » le FN. Un congrès tranchera sur ces enjeux début 2018.

Féminisation. L’hémicycle va à coup sûr se féminiser, puisque 246 femmes sont arrivées en tête au premier tour, dont près de 80 % de candidates macronistes. La République en marche a présenté plus de femmes que d’hommes (266 contre 260) et dans des circonscriptions prenables. On mesure la mutation en branle en se rappelant qu’il y avait environ 70 candidates au total de toutes les formations il y a vingt ans, en 1997.

Vedettes. Plusieurs grosses têtes ont roulé dimanche. Le socialiste Benoît Hamon, candidat malheureux à la présidentielle, ne passe pas plus à la seconde partie des législatives avec son petit score de 6 %. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, aussi est rejeté, tout comme le secrétaire général du FN Nicolas Bay. Des ministres tombent, dont l’ancien responsable de l’intérieur Matthias Fekl et l’ex-titulaire de la Culture Aurélie Filippetti. Rappelons que, comme aux États-Unis, l’exécutif n’est pas nécessairement élu en France. Le président forme son cabinet avec qui bon lui semble. Emmanuel Macron, lui-même ministre sous son prédécesseur François Hollande, n’avait jamais été élu avant de devenir président.

Millions. L’effondrement aux urnes coûte des fortunes aux formations concernées. L’État verse aux partis environ 2$ par vote obtenu et l’équivalent annuel de quelque 53 000$ par député. Le Parti socialiste, grand perdant du premier tour, avait empoché environ 31 millions aux dernières législatives. Il pourrait se contenter de dix fois moins après le deuxième tour. Il faudra en plus ajouter la perte sèche et récurrente des dons que ne feront plus les adhérents et les sympathisants quittant le véhicule politique en perdition. Cette pauvreté soudaine pourrait forcer la mise à pied de permanents, comprimer à l’extrême les campagnes de propagande et finalement accentuer encore plus l’impression de naufrage.

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