François Hollande jette l’éponge

Coup de théâtre à Paris. Le secret avait été gardé jusqu’à la toute dernière minute. Sur les plateaux de télévision, on n’avait rien prévu. Même plusieurs membres de sa garde rapprochée n’étaient pas au courant. Dans un geste précipité qui a pris toute la France par surprise, François Hollande a annoncé jeudi soir qu’il renonçait à être candidat à l’élection présidentielle.
C’est un président abattu et à la voix cassée qui est intervenu jeudi de manière tout à fait impromptue à la télévision à l’heure du souper pour annoncer après des mois de spéculation et de tergiversations qu’il ne briguerait pas un second mandat en mai prochain.
Écoutez le discours de François Hollande :
« Je suis conscient des risques d’une démarche qui ne rassemblerait pas, aussi j’ai décidé de ne pas être candidat à la présidentielle. Je tenais à vous en faire part directement », a laissé tomber le président sur un ton dramatique. Avec une voix crispée, François Hollande a rappelé qu’il y a cinq ans, il avait suspendu le renouvellement de son mandat à l’inversion de la courbe du chômage. « J’y ai consacré toute mon énergie, pris tous les risques », et pourtant, il reconnaît que, s’il diminue, le chômage demeure à un niveau inacceptable. « Les résultats arrivent plus tard que ce que j’avais annoncé, j’en conviens », dit-il.
Un «président boulet»
Mais, plus que le chômage, c’est la perspective d’un éclatement de la gauche et d’un échec lamentable des socialistes à la présidentielle qui semble avoir forcé le président à jeter l’éponge. « Comme socialiste, je ne peux me résoudre à la dispersion de la gauche, à son éclatement, car cela nous priverait de tout espoir de l’emporter face au conservatisme et pire encore, à l’extrémisme », dit-il.
La plupart des sondages ne créditaient François Hollande que de 7,5 % des voix s’il se présentait à la présidentielle. Il semblait assuré de ne pas se qualifier au second tour et d’arriver quatrième après le candidat d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon. Il courait même le risque d’être battu à la primaire de son propre parti. C’est ce que la journaliste de BFM-TV Ruth Elkrief appelait un « président boulet ».
Qu’un président en exercice renonce à se représenter, la situation est totalement inédite sous la Ve République. Le seul à ne pas avoir brigué un second mandat fut Georges Pompidou, décédé en 1974 en cours de mandat.
Cette décision était pourtant attendue depuis des mois à gauche, alors que la cacophonie s’intensifiait et que les prétendants à la succession se multipliaient. Ce fut d’abord la démission du ministre de l’Économie Emmanuel Macron en septembre. Il y a quelques jours à peine, François Hollande a évité de justesse la crise de régime et la démission de son premier ministre Manuel Valls, qui ne cache plus son intention d’être candidat. Il pourrait d’ailleurs annoncer ses intentions dès samedi à Paris alors que François Hollande se sera déjà envolé vers les Émirats arabes unis, où il sera en visite officielle vendredi et samedi. Les candidats à la primaire de la gauche ont jusqu’au 15 décembre pour se déclarer.
Soupir de soulagement
À gauche comme à droite, la démission de François Hollande a suscité un immense soupir de soulagement. Jusqu’à la dernière minute, une grande partie des socialistes a cru en effet que le président serait candidat. Depuis quelques jours, la rumeur courait même qu’il pourrait se présenter sans passer par la primaire qui se tiendra en janvier.
À droite, on souligne que ce renoncement signe l’échec du mandat de François Hollande. « Ce soir, le président de la République admet, avec lucidité, que son échec patent lui interdit d’aller plus loin, a déclaré le nouveau candidat de la droite François Fillon. Ce quinquennat s’achève dans la pagaille politique et la déliquescence du pouvoir. Plus que jamais, l’alternance et le redressement de la France doivent être bâtis sur des bases solides : celle de la vérité sans laquelle il n’y a pas de confiance des Français et celle de l’action courageuse seule en mesure d’obtenir des résultats. »
La plupart des personnalités socialistes ont souligné la noblesse du geste de François Hollande. Le premier ministre Manuel Valls, qui le presse depuis des semaines de ne pas se représenter, a salué « un choix difficile, mûri, grave. C’est le choix d’un homme d’État. Je veux dire à François Hollande mon émotion, mon respect, ma fidélité et mon affection ».
Le jeu est ouvert
Son ancien conseiller et ministre démissionnaire Emmanuel Macron, souvent qualifié de « traître » dans le Parti socialiste, a parlé d’« une décision courageuse et digne ». Pour le candidat déclaré à la primaire Arnaud Montebourg, ce choix lui vaudra « la reconnaissance du peuple de gauche ».
Plus intéressé par les successeurs éventuels que par le bilan, le vice-président du Front national, Florian Philippot, a déclaré sur Twitter : « Deux présidents de la République hors course en deux semaines. À quoi cela servirait-il de faire courir leurs doublures, leurs seconds ? »
Depuis deux ans, tous les sondages affirmaient qu’une majorité de Français ne souhaitaient pas une nouvelle présidentielle opposant les candidats de 2012, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Alors que le premier vient de démissionner, le second a été battu au premier tour de la primaire de la droite il y a deux semaines à peine. Si l’on y ajoute l’échec d’Alain Juppé aux mains de François Fillon la semaine dernière, c’est toute une partie de la classe politique française qui, en moins de dix jours, vient de prendre sa retraite. Ce qui ouvre le jeu politique de manière tout à fait inédite.