Échec au Front national

Les électeurs français se sont mobilisés de façon exceptionnelle dimanche pour faire échec au Front national à l’occasion du second tour des élections régionales. Grâce à cette mobilisation, le parti de Marine Le Pen n’a conquis aucune région, alors qu’il était arrivé en tête dans 6 régions sur 13 au premier tour et qu’il était en position d’en conquérir au moins trois.
Xavier Bertrand (LR) l’a emporté avec environ 57 % des voix face à la présidente du FN, Marine Le Pen, dans le Nord–Pas-de-Calais. Christian Estrosi (LR) a aussi battu Marion Maréchal-Le Pen avec environ 54 % des voix en Provence–Alpes–Côte d’Azur. En Alsace aussi, Florian Phillipot a mordu la poussière, même si le candidat socialiste s’était maintenu malgré les consignes nationales.
Dans ces trois régions, les candidats FN ont eu beau rassembler à eux seuls plus de 45 % des voix, un record historique, le report des suffrages socialistes sur les candidats du parti Les Républicains a permis de faire barrage aux candidats d’extrême droite.
Alors que les militants du FN disaient avoir la « défaite victorieuse », les militants de droite savouraient de leur côté une victoire pour le moins amère. En effet, le balayage annoncé à droite ne s’est pas produit. Avec sept régions, Les Républicains pourtant donnés largement gagnants arrivent presque à égalité avec les socialistes, qui préservent cinq régions. Même si les socialistes perdent la région phare de l’Île-de-France, où Valérie Pécresse (LR) a été élue de justesse, cette quasi-égalité a des airs de victoire puisque les élections régionales servent traditionnellement à sanctionner le gouvernement au pouvoir.
La remontée soudaine dans les sondages de François Hollande depuis les attentats du 13 novembre aura donc servi les socialistes, qui sauvent largement leur mise. Ce résultat est d’autant plus important que cette élection est la dernière avant la présidentielle, dans un an et demi.
« Le danger n’est pas écarté »
« Il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs », a cependant déclaré la candidate défaite du FN Marion Maréchal-Le Pen. Dans le Nord–Pas-de-Calais, la présidente Marine Le Pen a annoncé ce qui devrait être pour elle le thème de l’élection présidentielle. « Le clivage sépare les mondialistes et les patriotes qui croient que la nation constitue l’espace de protection, dit-elle. Cette distinction sera le grand enjeu de ces présidentielles. »
Conforté par ce résultat, le premier ministre, Manuel Valls, a évité tout triomphalisme. « Le danger de l’extrême droite n’est pas écarté, a-t-il déclaré. […] Nous devons apporter la preuve que la politique ne reprend pas comme avant, montrer que nous sommes capables — en particulier à gauche — de redonner envie de voter “pour”, plutôt que de voter uniquement “contre”. »
Entre les deux tours, les militants socialistes se sont pourtant déchirés sur la stratégie du désistement défendue par le premier ministre. De nombreux observateurs prêtent à Manuel Valls le projet de transformer, comme cela s’est produit en Italie, le Parti socialiste français en grand parti démocrate incluant un certain nombre de centristes. Le socialiste Julien Dray proposait déjà hier soir de changer le nom du parti.
Même majoritaire avec sept régions, le grand perdant de cette élection demeure sans aucun doute Nicolas Sarkozy. Le président des Républicains devait non seulement faire « barrage » au Front national, mais remporter une large majorité. Il n’aura fait ni l’un ni l’autre.
« On ne peut pas passer d’une élection à une autre, comme si les Français ne nous avaient rien dit, a reconnu Nicolas Sarkozy. […] Il nous faut maintenant prendre le temps de débattre au fond des choses des grandes questions qui angoissent les Français. » Le président des Républicains a appelé à « l’unité dans la famille des Républicains » et à « l’union avec le centre », sans lequel la victoire en 2017 sera impossible.
La première conséquence de cette demi-défaite à droite sera de conforter ceux qui affronteront Nicolas Sarkozy lors de la primaire prévue l’automne prochain. Le premier d’entre eux, l’ancien premier ministre Alain Juppé, critique depuis longtemps la stratégie droitière de son adversaire.
« Nous avons à tirer les leçons de ce scrutin, dit-il. Nous avons tous un devoir de lucidité. Ne tombons pas dans des querelles partisanes ! Prenons du recul ! Notre priorité est de répondre aux réelles questions des Français. »
Autre candidat à la primaire, François Fillon a reconnu que la montée du Front national privait la droite de la victoire escomptée. Évoquant la progression du FN, l’ancien premier ministre a estimé que « cette élection régionale constitue le dernier avertissement ».
Pour le militant frontiste Gilbert Collard, en revanche, cette élection n’était « pas un échec » puisque le FN était « seul contre tous ». Selon lui, dans plusieurs régions, le FN est aujourd’hui le seul parti d’opposition et « les électeurs vont comprendre que ce n’est qu’une affaire de temps ».
Certains n’ont pas manqué de souligner que la montée du FN ne semblait pas si mauvaise pour la démocratie. La participation à ce second tour était en effet en hausse de 10 points comparée non seulement au premier tour, mais aussi aux précédentes élections régionales.