Victoire historique du Front national

Une nouvelle fois dans un scrutin national, le Front national (FN) s’impose comme le premier parti de France. Trois semaines après les attentats de Paris, à l’occasion du premier tour des élections régionales françaises, le FN est arrivé en tête dans six des treize régions françaises. Dans deux de ces régions, le Nord-Pas-de-Calais–Picardie et la Provence–Alpes–Côte-d’Azur, il obtient même plus de 41 % des voix, ce qui donne toutes les chances à ses candidates, Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen, de l’emporter au second tour dimanche prochain.
Avec environ 30 % des suffrages nationaux exprimés, le parti de Marine Le Pen devance largement Les Républicains (27 %) et le Parti socialiste (23 %). C’est une première en France, où le FN confirme hors de tout doute une progression que ne semblent en mesure de contenir ni les socialistes ni les républicains.
« Le mouvement national est le premier parti de France, a déclaré Marine Le Pen. […] Le FN est le seul parti à défendre la nation. Chacun doit avoir à l’esprit qu’il n’y aura pas de changement si on ne change pas les hommes. C’est le peuple français qui est une chance pour la France. Nous avons vocation à réaliser l’unité nationale dont le pays a besoin. »
Marine Le Pen obtient plus de 50 % des voix dans la seule ville de Calais, où campent depuis des mois dans des abris de fortune plus de 6000 migrants qui veulent rejoindre le Royaume-Uni. Sur un ton qu’on ne lui connaissait pas, la présidente a appelé les électeurs de tous horizons à la rejoindre. « Tout le monde a sa place chez nous, quelle que soit son origine », a même déclaré le militant FN Gilbert Collard.
« Ce soir, le vieux système est mort », a renchéri la jeune candidate Marion Maréchal-Le Pen qui, à 25 ans, obtient le meilleur score de son parti et devance par plus de 14 points son plus proche opposant, Christian Estrosi, du parti Les Républicains.
La droite déconfite
À droite, où l’on s’attendait à une victoire facile selon les règles de l’alternance, la défaite est amère. En Nord-Pas-de-Calais–Picardie, en Provence–Alpes–Côte d’Azur et en Alsace–Champagne-Ardennes–Lorraine, l’avance des candidats du FN est telle qu’elle sera très difficile à combler au second tour.
À quelques mois des élections primaires qui désigneront le candidat de la droite à la présidentielle, Nicolas Sarkozy n’aura donc pas obtenu la vague bleue qu’il espérait. Le président des Républicains est aussitôt intervenu dimanche soir pour affirmer que tous ses candidats se maintiendraient au second tour. Cette élection apparaît néanmoins comme un désaveu de sa stratégie qui consistait à se présenter comme le seul parti capable de faire barrage au FN. Même si Les Républicains peuvent encore emporter une majorité de régions dimanche prochain, leurs candidats sont largement distancés par le FN dans nombre d’entre elles. Ils arrivent même troisièmes dans le Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées.
« Nous entendons les inquiétudes des électeurs, mais ils n’obtiendront aucune réponse d’un parti qui aggraverait dramatiquement la situation de la France et créerait les conditions d’un dangereux désordre dans leur région comme dans notre pays », a déclaré Nicolas Sarkozy. Selon lui, « la seule attitude à adopter dans toutes les régions, c’est de respecter les Français en proposant une alternance ». En clair, l’ancien président refuse toute fusion et tout retrait de liste, quitte à faire élire le FN dans certaines régions dimanche prochain.
Même chez les proches de l’ancien président, la déception était difficile à dissimuler. « À droite, nous ne sommes pas prêts », a reconnu sur France 2 l’ancien ministre Éric Woerth, un fidèle de Nicolas Sarkozy.
Cacophonie socialiste
Chez les socialistes qui étaient les grands perdants depuis longtemps annoncés de cette élection, la défaite semble un peu moins amère. Le récent regain de popularité de François Hollande depuis les attentats a certainement évité la déroute. Plusieurs régions, comme la Bretagne et l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, ont résisté. Même en Île-de-France où la candidate Valérie Pécresse (Républicains) est en tête, les réserves de voix chez les verts et le Front de gauche pourraient permettre de l’emporter.
Mais, dès dimanche soir, la cacophonie se faisait déjà entendre. Alors que le candidat socialiste de Provence–Alpes–Côte d’Azur, Christophe Castaner, avait publiquement refusé de se retirer pour empêcher l’élection de Marion Maréchal-Le Pen (FN), le bureau national du Parti socialiste annonçait dimanche en fin de soirée qu’il retirait ses candidats dans les deux régions où le FN a le plus de chance de l’emporter dimanche, soit en Provence–Alpes–Côte d’Azur et dans le Nord-Pas-de-Calais–Picardie.
Dès lundi, les choix seront déchirants, et il n’est pas sûr que les candidats socialistes régionaux acceptent de suivre les directives nationales pour faire barrage au FN. Une stratégie qui fait de moins en moins recette et qui n’a guère freiné la progression du FN depuis trente ans.
Cette élection cruciale, la dernière avant la présidentielle de 2017, confirme à nouveau le tripartisme qui s’est installé en France. Un tripartisme qui vient bouleverser tout le paysage politique.

Photo: Michel Spingler Associated Press