
Le journal des témoins

La photo diffusée à 22 h 35, vendredi, sur un réseau social montre la rue Charonne, tout près du restaurant Le Petit Cambodge, un des lieux tragiquement touchés par les attentats parisiens. La vue en plongée a été captée du cinquième ou du sixième étage. Une quinzaine de silhouettes tournent autour de deux taches blanches carrées, au sol. Ce sont des draps jetés par les fenêtres par des riverains pour couvrir les corps des victimes.
Les médias vieux et neufs ont servi à documenter les événements tragiques sur le terrain des opérations autour des quelque sept endroits visés par les attentats concentrés dans le centre ouest de la capitale, dans les 10e et 11e arrondissements, assez près de la permanence de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, visé par un attentat meurtrier en janvier. Les moyens de communication ont aussi été utiles pour relayer des informations à chaud sur les nombreuses interventions des services policiers et médicaux.
L’attentat contre la salle de spectacle du Bataclan, épicentre du carnage, a fait des dizaines de morts. Un rescapé a déclaré à un quotidien : « On a réussi à s’enfuir. Il y avait du sang partout. Ils ont tiré au fusil à pompe sur la foule. »
La fusillade aurait duré au moins dix minutes. Un journaliste pour Europe 1, présent dans la salle, a raconté que des individus non masqués ont tiré à l’aveugle avec des mitraillettes. « Ça a été extrêmement violent et il y a eu un vent de panique, tout le monde a couru vers la scène, il y a eu des scènes de piétinement, je me suis moi-même fait piétiner. »
Les assaillants auraient eu le temps de recharger à trois reprises. Des victimes ont pu utiliser leur téléphone pour communiquer des informations. « Je suis encore au Bataclan, a écrit Benjamin Cazenoves sur sa page Facebook. 1er étage. Blessée grave ! Qu’ils donnent au plus vite l’assaut. Il y a des survivants à l’intérieur. Ils abattent tout le monde. Un par un. 1er étage, vite !!! »
M. Cazenoves s’en est tiré. Deux heures plus tard, il ajoutait : « Vivant. Juste des coupures… Un carnage… Des cadavres partout. »
Plusieurs restaurants étaientvisés dans un quartier de haute activité nocturne, par une douce soirée d’automne. Un passant a vu la fusillade près d’un McDonald’s, près de la rue de la Fontaine du roi.
« Les mecs avaient des mitraillettes et tiraient dans tous les sens. » Un autre, réfugié à l’étage du fast-food, a écrit que les coups de feu avaient duré « 1 minute 30 maximum ».
Solidarité
Un autre encore a livré ce témoignage au Figaro. « Nous sommes passés en scooter vers 21 h 30, soit quelques secondes après les faits. Il n’y avait pas encore la police. On a croisé des gamins qui couraient dans le sens inverse sur le quai de Jemmapes. Et des voitures qui partaient à reculons. Des gens criaient “N’allez pas par là-bas, il y a des coups de feu et des rafales”. »
Ce témoin a ensuite vu « quatre ou cinq corps qui jonchaient le sol, dans une mare de sang ». Ces corps gisaient inertes sur la terrasse d’un bar-brasserie à l’intersection de la rue du Faubourg-du-Temple. « Tout le monde était hébété, ou bien retranché dans les restaurants. »
Le Stade de France, plein à craquer pour le match opposant l’équipe nationale à la formation allemande, a subi des attaques à la bombe. Les spectateurs ont ressenti les déflagrations sans immédiatement comprendre leur origine. La foule a finalement été rassemblée sur la pelouse et évacuée dans un calme relatif peu avant minuit.
Plusieurs Québécois ont pu livrer leur propre témoignage. Patrice Roy, chef d’antenne de Radio-Canada, est à Paris avec sa femme. Il est intervenu à plusieurs reprises sur les ondes d’ICI RDI pour raconter comment son couple a vécu cette soirée infernale.
Les nouveaux moyens de communication ont aussi servi à instaurer des mesures de solidarité dans la ville meurtrie. Pendant que la mairie de Paris appelait les habitants à rester chez eux et que la police appelait sur Twitter les gens en Île-de-France à « éviter de sortir sauf nécessité absolue », des gazouilleurs lançaient le mot-clic #PorteOuverte pour proposer protection ou hébergement aux passants comme aux blessés.