Athènes connaît un réveil douloureux au lendemain du vote du plan d’austérité

Athènes s’efforçait d’effacer aujourd'hui les dégâts de la violente nuit d’émeutes qui a accompagné le vote d’un nouveau plan d’austérité drastique par le Parlement grec. Malgré son adoption, la Grèce devra sans doute attendre plusieurs semaines avant de savoir si elle pourra recevoir les 130 milliards d’euros du second plan d’aide internationale pour éviter la faillite.

Le pays, qui n’a pas de quoi rembourser les 14,5 milliards d’euros d’obligations arrivant à échéance le 20 mars prochain, risque de se retrouver en défaillance.

En contrepartie de l’aide espérée, les députés grecs ont donc adopté tard dimanche, par 199 voix contre 74, un plan d’austérité drastique, malgré la colère des quelque 100 000 manifestants qui s’étaient massés sur la place Syntagma devant le Parlement pour dénoncer les nouveaux sacrifices réclamés à la population.

Des heurts ont éclaté en fin d’après-midi entre une centaine d’anarchistes et les forces de l’ordre avant de se propager dans le centre d’Athènes. Les émeutiers ont détruit ou fortement endommagés 93 bâtiments, selon la municipalité de la ville.

La police recensait au moins 45 édifices incendiés. Parmi eux, neuf étaient classés au patrimoine national. De la fumée s’élevait encore lundi des décombre d’un immeuble de 1870, qui abritait l’un des plus vieux cinémas de la capitale, l’Attikon, depuis 1916.

Au lendemain des troubles, les équipes de nettoyage ont dégagé quelque 40 tonnes de marbre brisé et de pierres des rues du centre-ville, selon la mairie. L’odeur âcre du gaz lacrymogène imprégnait encore l’air du matin, agressant les passants.

Selon la fédération nationale du commerce ESEE, au moins 40 magasins ont été incendiés ou gravement endommagés. «Très probablement, la plupart ne pourront pas rouvrir», a-t-elle déploré dans un communiqué. «Le centre de la capitale a l’air d’avoir été bombardé.»

Plus de 170 personnes ont été blessées dans les émeutes qui ont éclaté dans plusieurs autres villes du pays. Selon les autorités, 106 policiers ont dû recevoir des soins médicaux après avoir été blessés par des cocktails Molotov, des pierres ou autres projectiles et au moins 70 manifestants ont également été hospitalisés.

La police a procédé à des dizaines d’interpellations et dû dans certains cas escorter les équipes de pompiers jusqu’aux immeubles en flammes, des protestataires leur bloquant l’accès.

Un plan très sévère

L’adoption du nouveau plan d’austérité, qui prévoit entre autres une baisse de 22 pour cent du salaire minimum et la suppression d’un cinquième des effectifs de la Fonction publique en trois ans, a été saluée en revanche par les investisseurs, la Bourse d’Athènes gagnant 4,7 pour cent lundi dans la journée.

Le vote ouvre la voie à l’obtention des 130 milliards d’euros du second plan d’aide de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI). Le premier plan de 110 milliards d’euros, accordé en mai 2010, s’est révélé insuffisant pour sortir la Grèce de la crise de la dette qui menace son maintien dans la zone euro.

Le second plan, qui n’a pas encore été finalisé, doit s’accompagner d’un échange d’obligations massif avec les créanciers privés de la Grèce, qui effaceront ainsi environ 100 milliards de dette.

Toutefois, il faudra peut-être encore du temps avant que l’argent ne soit versé. Pour que les deux accords se concrétisent, la Grèce devra convaincre des créanciers de plus en plus sceptiques de sa volonté de mettre en oeuvre les réformes promises pour mettre fin à des années de complaisance fiscale et de déficits.

L’Allemagne a salué prudemment le vote des parlementaires grecs, «un premier pas important sur la bonne voie», selon le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. «Toutefois, le travail véritablement difficile d’application des réformes votées ne fait que commencer», a-t-il souligné dans un communiqué. «C’est la condition préalable cruciale pour que l’Allemagne et les autres partenaires de la zone euro puissent soutenir la Grèce avec un nouveau plan d’aide». Il est «crucial» d’engager la mise en oeuvre de ces réformes, a-t-il insisté.

Le prochain rapport des inspecteurs de la «troïka» (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) jouera un rôle clé dans l’évaluation des mesures prises par Athènes.

Les ministres des Finances de la zone euro doivent se réunir mercredi pour discuter du plan d’aide, qu’ils avaient refusé d’adopter la semaine dernière tant que le Parlement grec n’avait pas voté les nouvelles mesures d’austérité.

Mais la porte-parole du ministère allemand des Finances, Marianne Kothe, a prévenu lundi que l’Eurogroupe ne prendrait pas de décision définitive mercredi. L’accord sur l’échange d’obligations doit d’abord être finalisé, a-t-elle expliqué et les ministres se concentreront sur toutes les étapes et mesures «nécessaires au second plan grec».

Avant de donner leur feu vert, les ministres de la zone euro veulent aussi que les dirigeants grecs s’engagent à ne pas revenir sur le plan d’austérité après les élections générales prévues en avril. Un porte-parole du gouvernement grec, Pantelis Kapsis, a précisé que les garanties écrites étaient demandées avant mercredi.

Mais le plan d’austérité a suscité de fortes dissensions au sein des socialistes du PASOK et des conservateurs de la Nouvelle démocratie qui forment l’actuelle coalition gouvernementale. Les deux partis ont respectivement expulsé 22 et 21 députés rebelles de leurs rangs, réduisant leur majorité de 236 à 193 sièges sur les 300 du Parlement.

À voir en vidéo