Poursuivi pour «détournements de fonds publics» - Chirac jugé en son absence

Le procès de Jacques Chirac, qui a présenté une expertise médicale annonçant qu'il souffre de graves troubles neurologiques, s'est ouvert sans lui hier à Paris. Chirac, chef de l'État de 1995 à 2007, est notamment poursuivi pour «détournements de fonds publics» quand il était maire de Paris et risque jusqu'à dix ans de prison. Il lui est reproché d'avoir organisé un système d'emplois fictifs payés par la Ville de Paris.

Paris — Le tribunal de Paris a accepté hier l'excuse médicale de Jacques Chirac pour le dispenser de comparaître à son procès, qui se déroulera donc en son absence jusqu'au 23 septembre.

L'ancien président, âgé de 78 ans, ne viendra donc jamais au tribunal, mais il sera quand même jugé pour détournement de fonds publics, avec la perspective d'une éventuelle condamnation pénale. Ce sera le premier procès dans l'histoire de France d'un ancien chef d'État républicain.

Le tribunal a dit dans sa décision «prendre acte» des termes du courrier adressé vendredi par les avocats de Jacques Chirac qui ont fait valoir que l'état de santé de leur client l'empêchait de comparaître.

«La comparution personnelle de M. Chirac ne sera pas ordonnée et il sera donc jugé en son absence, représenté par ses avocats, dans un débat contradictoire», a décidé le tribunal. Il a refusé la contre-expertise demandée par la partie civile, l'association anti-corruption Anticor, car elle aurait impliqué, soulignent les juges, un nouveau renvoi.

Le tribunal se contente du dossier médical envoyé vendredi et qui comprend trois éléments, un scanner cérébral du 9 avril 2010, un examen neurologique du 23 juin 2011 et un rapport de quatre pages du professeur Olivier Lyon-Caen, chef du service de neurologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Ce dernier stipule que Jacques Chirac souffre de «troubles sévères de la mémoire» qui occasionnent «d'importantes erreurs de jugement et de raisonnement». Du fait de ce handicap décrit comme irréversible, «il n'est pas en mesure de répondre à des questions sur son passé», dit le rapport, lu à l'audience.

Le tribunal a suivi le procureur Michel Maes qui avait déclaré à l'audience accepter l'excuse médicale.

Me Jérôme Karsenti, avocat d'Anticor, avait demandé une nouvelle expertise pour tenter d'aboutir à une comparution personnelle du prévenu. «C'est un procès de la dignité, mais aussi et d'abord un procès de la vérité», avait-il dit.

«Il ne s'agit pas de faire de cette comparution une humiliation, mais c'est le procès d'un système et nos questions précises méritent la réponse de Jacques Chirac», a-t-il ajouté.

L'audience va donc commencer dès aujourd'hui avec neuf autres prévenus dont la plupart seront présents.

Sont notamment sur les bancs l'ex-directeur de cabinet de Jacques Chirac à la Ville de Paris Michel Roussin, le frère du président du Conseil constitutionnel François Debré, le petit-fils du fondateur de la Ve République, Jean de Gaulle, et l'ancien patron du syndicat FO Marc Blondel.

Prison et amende

Jacques Chirac, poursuivi pour détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d'intérêt, encourt en théorie jusqu'à dix ans de prison et 150 000 euros d'amende.

Sa défense dispose d'une dernière arme dont elle devrait user en fin de procès, une jurisprudence de la Cour de cassation qui ouvre la voie, selon elle, à un «sursis à statuer» sur le cas Chirac, c'est-à-dire une mise entre parenthèses du dossier jusqu'à son hypothétique guérison.

Après avoir affirmé aux médias toute la semaine que Jacques Chirac viendrait au procès, Me Veil s'est indigné au tribunal des «fuites» dans la presse sur le rapport médical et a tancé les journalistes dans sa plaidoirie.

«Je demande solennellement à ceux qui sont derrière moi un minimum de pudeur. Je lance un appel solennel à un minimum de discrétion et de prudence», a-t-il dit.

Tout le week-end, partisans et fidèles de l'ancien chef de l'État l'ont défendu. Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a affirmé que Jacques Chirac n'avait «jamais voulu se soustraire à la justice», son collègue Luc Chatel à l'Éducation nationale se disant certain que «le procès aura [it] lieu».

Deux ténors de l'opposition et candidats à la primaire du Parti socialiste pour l'élection présidentielle de 2012, François Hollande et Ségolène Royal, ont estimé que le procès restait «légitime».

***

Avec l'Agence France-Presse

À voir en vidéo