Après une sanction électorale dimanche - Merkel panse ses plaies

Angela Merkel hier à Berlin
Photo: Agence Reuters Thomas Peter Angela Merkel hier à Berlin

La coalition gouvernementale d'Angela Merkel pansait ses plaies hier après un nouveau vote sanction pour les conservateurs et une débâcle des libéraux dans l'État régional de la chancelière allemande.

Berlin — Elle est de nouveau — pour la quatrième fois en cinq ans — la femme la plus puissante du monde, selon le magazine américain Forbes. Pourtant, chez elle, la chancelière Angela Merkel n'a jamais semblée si affaiblie... Les critiques pleuvent depuis des semaines sur sa politique européenne. Et dimanche, son parti chrétien démocrate a de nouveau fortement reculé lors d'élections régionales à valeur de test dans le Mecklembourg-Poméranie antérieure. «Au niveau fédéral, on file un mauvais coton. Et dans le Mecklembourg, on a carrément été mauvais», constate avec amertume un membre de la direction du parti. Angela Merkel n'a pourtant pas ménagé sa peine. À huit reprises, elle s'est rendue au cours des dernières semaines dans le Land du nord de l'ex-RDA où se trouve sa circonscription, pour apporter son soutien au pâle Lorenz Caffier, tête de liste du parti chrétien démocrate.

Dimanche soir, la direction du parti devait pourtant faire face au pire résultat de son histoire dans la région, avec 23,1 % des suffrages exprimés, en recul de 5,7 points par rapport aux précédentes élections, tandis que le SPD obtenait 36,5 % des voix, en hausse de 6,3 points par rapport à 2006. «Visiblement, le parti n'arrive pas à remonter la pente, pas même là où les électeurs se sentent particulièrement liés à la chancelière, dans sa circonscription. Il n'a a pas eu de bonus-Merkel. Peut-être même y-a-t-il eu un malus Merkel...», constate le quotidien conservateur die Welt.

De fait, la CDU a enregistré un cuisant échec à cinq des six élections régionales qui se sont tenues depuis le début de l'année. La CDU a notamment perdu Hambourg, la seconde ville du pays, et le puissant État du Bade-Wurtemberg (cédé aux Verts et aux Sociaux démocrates) qu'elle contrôlait depuis près de 60 ans. Et le dernier scrutin de cette super année électorale, le 18 septembre à Berlin, verra selon toute vraisemblance la réélection du très populaire Maire social démocrate Klaus Wowereit. «Helmut Kohl et Gerhard Schröder ont subi les mêmes défaites au niveau régional avant de perdre les élections fédérales», souligne le politologue Gerd Langguth, auteur d'une biographie sur Angela Merkel.

Depuis sa réélection à l'automne 2009, la cote de popularité d'Angela Merkel n'a cessé de s'effondrer. La chancelière, constatent les observateurs, a bousculé l'électorat traditionnel conservateur, avec sa stratégie de grignotage au Centre. Au cours des derniers mois, la direction de la CDU a effectué une volte-face sur plusieurs valeurs sûres de la démocratie chrétienne avec l'abandon de la conscription (1er juillet 2011), la sortie du nucléaire (printemps 2011). L'élection du Mecklembourg a une fois de plus mis en avant l'écart grandissant entre la chancelière et sa base. Seuls 51,4 % des électeurs se sont rendus aux urnes dimanche.

Électeurs restés chez eux

«Ça veut dire que bien des électeurs CDU sont restés chez eux», constate Volker Bouffier, le vice président du parti. Mais les relations de la chancelière avec les cadres du parti ne sont guère meilleures, et ce alors que la direction de la CDU aurait besoin de l'appui de l'ensemble du camp conservateur pour faire face aux défis de l'automne, et à la crise de l'euro.

Fin septembre lors du vote au Bundestag sur le Fonds européen de stabilité financière (FESF), Angela Merkel ne fera pas le plein des voix du camp conservateur. Plusieurs voix se sont en effet élevées depuis la fin de la pause estivale, pour critiquer la politique européenne du gouvernement. Certains lui reprochent d'avoir trop cédé. D'autres, à l'inverse, comme la ministre du Travail Ursula von der Leyen ouvertement favorable «à des États-Unis d'Europe» regrettent ses trop grandes timidités dans la solidarité européenne. Et notamment d'avoir trop longtemps attendu en amont du premier plan d'aide à la Grèce. «Les hésitations de la chancelière ont coûté cher au contribuable», estime un député. «L'Allemagne n'est plus une puissance qui compte ni sur le plan intérieur, ni sur le plan international», estime pour sa part Helmut Kohl, l'ancien chancelier sorti de sa réserve pour affûter les longs couteaux contre son ancienne protégée qui avait précipité sa chute dans le sillage du scandale des caisses noires de la CDU. De là à évoquer l'hypothèse d'un complot au sein de la CDU...

«Ce serait le début de la fin de l'ère Merkel si elle ne parvenait à réunir derrière elle l'ensemble de son camp fin septembre au Bundestag», assure le quotidien berlinois Tagesspiegel, qui estime à deux douzaines le nombre de députés CDU et FDP qui pourraient refuser de cautionner le plan d'aide à la Grèce.

La partie s'annonce d'autant plus délicate que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe doit se prononcer demain sur le premier plan d'aide à la Grèce du printemps 2010, et plus généralement sur les mécanismes d'entraide en Europe. Les experts juridiques sont généralement convaincus que la Cour exigera un renforcement du rôle du parlement allemand vis-à-vis du Fonds européen de stabilité financière.

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