Paris — Le tribunal correctionnel de Paris a ordonné, lundi, que Jacques Chirac, dont le procès pour le financement présumé occulte de l'ex-RPR s'est ouvert sans l'ancien chef d'Etat, soit jugé en son absence en raison de «problèmes médicaux».
Cette question de l'état de santé de M. Chirac a été au centre des débats lundi devant la 11e chambre du tribunal correctionnel, présidée par Dominique Pauthe.
Mis en examen pour détournement de fonds public, abus de confiance et prise illégale d'intérêts, il encourt théoriquement dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
Le représentant du ministère public, Michel Maes, ne s'est pas opposé à ce que M. Chirac soit représenté par ses avocats à ce procès comme la loi l'y autorise, mais avait indiqué au tribunal qu'il pouvait ordonner une contre-expertise médicale. Un choix que le tribunal n'a pas souhaité faire, car cela aurait reporté une nouvelle fois ce procès, a fait valoir le président Pauthe.
Les avocats de M. Chirac, dossier médical à l'appui, ont affirmé que l'ancien président n'était pas en état d'assister à son procès, sa santé s'étant dégradée ces derniers mois.
Vendredi, sa défense avait transmis au tribunal un courrier de l'ancien président accompagné d'un rapport médical faisant état de troubles sévères et d'une incapacité à répondre aux questions sur son passé.
Assumer le procès
M. Chirac écrit dans sa lettre lue à l'audience que même s'il n'a plus l'entière capacité de participer à son déroulement, il veut souligner sa volonté d'assumer ce procès.
«Je crois, en effet, ce procès utile à notre démocratie car il montre que tous les Français sont égaux face à la justice. C'est un des principes qui fondent notre pacte républicain et auxquels j'ai toujours été et je reste attaché», poursuit-il.
Une autre prévenue, Marie-Thérèse Poujade, âgée de 82 ans, a été dispensée de comparaître, également en raison de problèmes de santé.
À l'audience, la défense de Jacques Chirac s'est défendue de toute manoeuvre dilatoire nouvelle, prenant soin, encore une fois, de préciser qu'elle n'était pas à l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui a entraîné le report du procès ouvert en mars.
Seul huit prévenus assisteront à ce procès, qui devait être le premier sous la Ve république d'un chef d'État pour des faits présumés de financement politique.
Le procès d'un système
L'association Anticor, partie civile dans cette affaire, avait demandé que M. Chirac comparaisse ou, à tout le moins, qu'une expertise médicale soit ordonnée, se défendant toutefois de vouloir humilier le principal prévenu. «Ce procès est celui d'un système, du RPR à la mairie de Paris», a plaidé Me Jérôme Karsenti, l'un des avocats de l'association.
Chef de l'"État de 1995 à 2007, M. Chirac est poursuivi en sa double qualité de maire de Paris (1977-1995) et de président de l'ex-RPR dans deux affaires d'emplois présumés fictifs. Il est soupçonné d'avoir avalisé les contrats de personnes salariées par la Ville de Paris travaillant pour le compte du parti gaulliste ou ayant bénéficié d'un emploi de complaisance.
Au total, 27 emplois présumés fictifs, un étant commun aux deux dossiers, sont reprochés à l'ancien chef d'État qui a toujours récusé l'idée d'un «système» ou de «pratique organisée», préférant évoquer des «cas individuels».
Durant son mandat, Jacques Chirac a bénéficié d'une immunité pénale. L'affaire de Nanterre a valu à Alain Juppé une condamnation à 14 mois d'emprisonnement avec sursis en 2004.
Le tribunal se prononcera dans son jugement sur les demandes d'irrecevabilité des parties civiles, dont Anticor, soulevées par la défense ainsi que sur les problèmes de nullité liées au dépassement du délai raisonnable dans cette affaire dont les faits remontent au début des années 1990.
Pierre-Antoine Souchard, Associated Press
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