France - L'espionnage de la presse relance l'affaire Bettencourt
Paris — L'affaire Bettencourt a été relancée par des révélations sur l'espionnage d'un journaliste du Monde par les services de renseignement, parallèlement au démenti sur la mise en cause de Nicolas Sarkozy.
Une juge d'instruction parisienne, Sylvie Zimmermann, a découvert que la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur) avait demandé en juillet 2010, par réquisition à l'opérateur Orange, les factures détaillées de téléphone de Gérard Davet, journaliste au Monde.La demande a été faite le lendemain de la publication par le quotidien d'un article embarrassant pour Éric Woerth, alors ministre du Travail, qui a dû démissionner en raison notamment de l'embauche de sa femme par le gestionnaire de fortune de l'héritière de L'Oréal..
Le Monde, qui a révélé l'existence de cette réquisition écrite dont il a eu connaissance en obtenant accès au dossier par une plainte, parle «d'affaire d'État». «Ce qu'il faut bien désormais qualifier d'affaire d'État accrédite le soupçon de l'existence d'un 'cabinet noir' au sommet de l'exécutif», peut-on lire dans son éditorial.
Les agents de la DCRI ont eu accès, alors que Gérard Davet n'était soupçonné d'aucun délit, à la liste de tous les appels entrant et sortant de son téléphone, ainsi qu'aux données de géolocalisation, et ont donc pu connaître ses déplacements.
Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, admet qu'il y a eu enquête, mais nie que Gérard Davet ait été visé. «Il s'agissait de rechercher l'auteur de la divulgation — présent à l'intérieur de l'administration — de procédures judiciaires, ce qui est tout à fait scandaleux. Il s'agissait donc de rechercher l'auteur d'un dysfonctionnement administratif grave», a-t-il dit sur France Info.
Ces manoeuvres sur les journalistes, «affaire dans l'affaire» Bettencourt, ont fait l'objet de deux plaintes que le parquet de Paris avait d'abord classées.
Le Monde a relancé l'affaire par deux nouvelles plaintes avec constitution de partie civile, saisissant la juge Zimmermann qui a elle-même saisi la gendarmerie.
Bernard Squarcini, patron de la DCRI, est maintenant susceptible d'être entendu par la juge Zimmermann, estime Gérard Davet, qui est partie civile. Une possible violation de la vie privée et du secret des journalistes est en cause.
Ce développement éclipse quelque peu la confusion sur la mise en cause de Nicolas Sarkozy par la magistrate Isabelle Prévost-Desprez, qui a enquêté sur un volet du dossier Bettencourt.
Cette juge assure dans un livre qu'un témoin, l'infirmière de la milliardaire, avait dit hors procès-verbal à sa greffière avoir assisté à une remise d'argent à Sarkozy. L'infirmière en question a démenti il y a une semaine.