Hydroélectricité - Grave accident dans une mégacentrale russe

Moscou — Onze personnes sont mortes, quatorze blessées et une soixantaine d'autres ont été portées disparues hier après un spectaculaire accident dans l'une des plus grandes centrales hydroélectriques de Russie, qui a sérieusement perturbé l'approvisionnement en électricité de la région. L'activité de la centrale hydroélectrique de Saïano Chouchenskaïa, dans la région de Khakassie en Sibérie, près de la frontière mongole et à environ 4300 kilomètres de Moscou, a été totalement interrompue après la catastrophe.
Celle-ci a été provoquée par une brusque élévation de la pression de l'eau dans l'une de ses dix turbines. La cause de l'accident n'a pas été déterminée et fait l'objet d'informations contradictoires. Selon le parquet russe, un transformateur de la centrale de Saïano-Chouchinskaïa a explosé lors de réparations, ce qui a détruit murs et plafond de la salle des turbines et provoqué son inondation. La société RusHydro, propriétaire de la centrale, parle de son côté d'un pic de pression ayant entraîné une rupture de canalisation. L'irruption de l'eau a provoqué un «choc» qui a détruit une turbine et une partie du plafond et du mur de la salle des turbines, a expliqué à l'AFP un porte-parole du ministère local des Situations d'urgence.Selon le dernier bilan donné par le ministère, «11 personnes sont mortes, 14 ont été blessées», a rapporté l'agence Interfax. Les victimes ont été noyées ou écrasées par des débris, selon Roman Dotsov, porte-parole du ministère des Situations d'urgence. Soixante-cinq ouvriers sont par ailleurs portés disparus.
Selon Andreï Mitrofanov, ingénieur en chef de la centrale, cité par l'agence Itar-Tass, «environ 300 personnes» se trouvaient sur son territoire au moment de l'accident.
Le président russe Dmitri Medvedev a exprimé hier soir ses condoléances aux employés de la centrale. «On va soigneusement enquêter sur les circonstances de cette catastrophe et apporter une assistance nécessaire aux blessés», a déclaré M. Medvedev, selon le service de presse du Kremlin.
Le ministre de l'Énergie, Sergueï Chmatko, s'est rendu sur place et le premier ministre, Vladimir Poutine, est arrivé hier soir au siège du centre national de gestion des crises, ont annoncé les agences russes.
Installations vétustes
La centrale, située sur le fleuve Ienisseï, est l'une des plus puissantes du monde, avec une capacité de 6,4 millions de kilowatts/heure. Son barrage, qui culmine à 245 mètres de hauteur, est long de 1074 mètres.
Les autorités locales et nationales ont insisté sur le fait que le barrage restait solide et que les populations vivant en aval n'étaient nullement menacées. «Le barrage est sec, il n'est pas atteint», a souligné Vassili Zoubakine, le patron par intérim du groupe public Rushydro, qui gère la centrale.
Le secteur électrique russe, longtemps privé d'investissements, est de manière générale dans un état très vétuste.
Des entreprises de la région ont dû interrompre leur activité ou recourir à des sources d'énergie extérieures, à l'instar du géant de l'aluminium Rusal, qui y gère deux importantes fonderies. Les autres centrales électriques de la région ont augmenté leur production pour compenser.
Le courant a été rétabli pour «tous les consommateurs» de cinq régions de Sibérie affectés par l'accident et les restrictions levées, a indiqué le vice-premier ministre russe, Igor Setchine, cité par l'agence Itar-Tass.
Mais la reconstruction de la centrale risque de prendre «quatre ans ou plus», a déclaré M. Zoubakine.
Son arrêt va coûter cher à Rushydro: 1,5 milliard de roubles (51 millions d'euros) de pertes par mois, a-t-il souligné. Les consommateurs finaux de Sibérie eux-mêmes ne sont pas à l'abri «d'une hausse des prix de 5 à 7 %» de l'électricité, a prévenu M. Chmatko.
De son côté, Rusal pourrait réduire la production de l'aluminium de 500 000 tonnes par an, si l'approvisionnement ininterrompu en électricité n'est pas assuré, a déclaré un haut responsable de la compagnie, Artiom Volynets, à l'agence Dow Jones Newswires.
En 2008, Rusal a produit 4,4 millions de tonnes d'aluminium et prévoyait produire 3,9 millions de tonnes en 2009, selon l'agence Itar-Tass.
En outre, le Service fédéral des tarifs n'a pas exclu que la Russie tout entière soit contrainte de revoir son programme énergétique: «Nous n'excluons pas que l'assiette énergétique de 2010 soit revue puisqu'elle avait été établie en prenant en compte la production de la centrale», a déclaré une porte-parole, Anna Martynova, citée par Interfax.
«L'accident servira de rappel de l'importance de l'électricité dans une économie moderne et du fait que la sécurité et la fiabilité ne peuvent pas être obtenues sans financement adéquat», a souligné Derek Weaving, analyste de la banque Renaissance Capital.
****
Agence France-Presse avec Associated Press