La malbouffe fait des ravages en Méditerranée

Électrochoc au royaume de la saine alimentation. La malbouffe serait sur le point de sonner le glas du régime alimentaire crétois, pourtant vanté par les nutritionnistes des quatre coins du globe comme étant une bonne source de santé et de longévité. Son existence est en effet menacée dans sa zone d'origine, le bassin méditerranéen, où d'importants changements d'habitudes alimentaires survenus au cours des dernières années menacent désormais la santé des gens, a déploré hier l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
«Les populations des rivages de la Méditerranée ont utilisé leurs revenus plus élevés pour ajouter un grand nombre de calories issues de la viande et des graisses à un régime alimentaire qui était traditionnellement léger en protéines animales», explique l'organisation internationale. Conséquence: en délaissant l'huile d'olive, les poissons, mais aussi les fruits frais ou secs et les légumes, qui composent les grandes lignes du régime dit méditerranéen, les pratiques alimentaires séculaires qui prévalent en Europe méridionale, en Afrique du Nord et au Proche-Orient se retrouvent désormais dans «un état moribond», indique la FAO.Les chiffres sont évocateurs. Sous la pression de l'enrichissement collectif, Grecs, Espagnols, Portugais ou Chypriotes, pour ne citer qu'eux, mangent maintenant «trop gras, trop salé et trop sucré», explique Josef Schmidhuber, économiste de la FAO, qui vient de compléter une étude exhaustive sur l'évolution des régimes alimentaires en Europe liée aux politiques agricoles communes de l'Union européenne (UE).
Pis, alors que le Vieux Continent a vu son apport calorique quotidien par habitant grimper de 20 % en 40 ans, dans des pays comme la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et Malte, l'énergie ingurgitée chaque jour a connu une croissance de 30 % sur la même période de temps. Avec, à la clé, un corollaire facile à imaginer: «Aujourd'hui, les trois quarts de la population grecque sont en surpoids ou sont obèses», écrit l'expert de la FAO, ce qui fait de leur pays celui de l'Union européenne où la prévalence de la surcharge pondérale est désormais la plus élevée.
En matière d'obésité et d'embonpoint, plus de la moitié des Italiens, Portugais et Espagnols se retrouvent par ailleurs logés à la même enseigne. Un drame, selon l'organisme internationale, surtout dans une zone géographique qui fait office de modèle partout dans le monde pour son art de vivre et son art de la table reconnus pour «maintenir les personnes en forme, en bonne santé et favoriser leur longévité».
Supermarché et nourriture industrielle
Pour l'économiste, l'augmentation des revenus des populations dans ces pays est à l'origine de tous ces changements délétères dans les habitudes de vie des habitants du pourtour de la Méditerranée. Il pointe également du doigt le «développement des supermarchés et le changement des systèmes de commercialisation» qui éloigneraient les consommateurs des aliments traditionnels au profit d'une nourriture plus industrielle réputée pour sa richesse en gras, sucre, sel et surtout en calories vides.
Le travail des femmes, mais aussi l'augmentation du nombre de repas pris à l'extérieur des maisons, «souvent dans des restaurants de type fast-food», sont aussi tenus responsables par M. Schmidhuber de la mise à mal du régime méditerranéen par la modernité.
Cette modernité vient, là-bas comme ailleurs, avec un style de vie moins actif qui accentue du même coup une tendance lourde par l'effet combiné «d'une prise plus élevée et une dépense inférieure de calories», précise la FAO.
L'institution internationale basée à Rome, en Italie, souligne également au passage un paradoxe étonnant: les Méditerranéens consomment certes toujours plus de fruits frais, de légumes et plus d'huile d'olive que dans le reste du globe. «Mais ils ne suivent généralement pas le régime que leurs ancêtres leur ont légué» et que «plusieurs pays veulent pourtant faire inscrire sur la liste du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO)» pour le protéger.