Italie - Silvio Berlusconi se rapproche de son immunité pénale
Rome — Silvio Berlusconi a obtenu hier des députés, au grand dam des juges et d'une partie de l'opposition, un vote qui le rapproche de l'immunité pénale, lui permettant d'édulcorer une autre mesure controversée visant à suspendre des milliers de procès, dont le sien.
Les députés italiens ont adopté à une large majorité un projet de loi prévoyant la suspension temporaire des procédures judiciaires contre le président de la République, les présidents du Sénat et de la Chambre des députés et le chef du gouvernement. Cette suspension, qui couvre la durée du mandat, suspend aussi les délais de prescription.Si le Sénat, qui doit se prononcer avant la fin du mois de juillet, confirme ce vote, Silvio Berlusconi pourra échapper à la justice jusqu'à la fin de son mandat à la tête du gouvernement.
Le vote du texte présenté par le ministre de la Justice, Angelino Alfano, a été obtenu à une large majorité (309 pour, 236 contre et 30 abstentions) avec les voix des députés du Parti des libertés (PdL) et de la Ligue du Nord de la coalition au pouvoir.
La presse italienne d'hier avait anticipé le vote. «D'ici la fin du mois, Berlusconi pourra être tranquille, l'immunité deviendra loi et ses affaires judiciaires seront congelées. Il peut même être magnanime avec les magistrats et l'opposition», avait raillé le quotidien de gauche La Repubblica.
Le Corriere della Sera avait qualifié la loi votée hier de «mal mineur» comparé aux conséquences «dévastatrices» de la première version d'un autre projet de loi.
Le texte prévoyait de suspendre pour un an tous les procès concernant des faits passibles de moins de 10 ans de prison commis jusqu'au 30 juin 2002, dont un procès actuellement en cours contre M. Berlusconi.
D'après les journaux, la nouvelle version, qui doit être présentée aujourd'hui à la Chambre, ne concernera que les faits passibles de moins de trois ans de prison et commis avant mai 2006. Elle ne comportera plus l'obligation pour les juges de suspendre les procès, mais les laissera libres de décider.
M. Berlusconi a des relations houleuses avec la justice et se dit persécuté par des juges qu'il accuse de vouloir «se substituer au vote populaire» et le faire tomber par des moyens judiciaires.
Il comparaît actuellement avec son ex-avocat britannique David Mills. M. Berlusconi est accusé d'avoir versé à M. Mills 600 000 $ en échange de faux témoignages en sa faveur devant la justice italienne lors de deux procès remontant à la fin des années 1990.
Selon la presse, Silvio Berlusconi est pressé de mettre un terme à ce procès avant le réquisitoire du parquet, qui aurait sonné comme «une condamnation politique» avant même une décision du tribunal.
Les réformes judiciaires voulues par M. Berlusconi ont suscité des tensions au sein de l'opposition. Le parti L'Italie des valeurs (IdV) a accusé le chef du gouvernement d'utiliser des méthodes mafieuses pour imposer ses intérêts au Parlement et a organisé une manifestation mardi contre ces réformes judiciaires. Le Parti démocrate (PD¹) a en revanche déserté la manifestation, préférant la lutte au sein du Parlement.