Moscou réagit très mal - Prague adhère au bouclier antimissiles américain

Prague — Après plus de quatre ans de tractations, et malgré une opinion publique largement défavorable, le ministre tchèque Karel Schwarzenberg a signé, hier à Prague avec la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice, un accord sur l'implantation d'une base de radars sur le sol tchèque. L'autre partie de ce dispositif devrait être déployée en Pologne avec une base antimissiles, mais les négociations se poursuivent avec Varsovie. Le but affiché des États-Unis est officiellement de prévenir d'éventuelles attaques de pays comme l'Iran. «C'est vraiment un accord historique, un accord convenant pour des amis et des alliés affrontant une menace commune», a déclaré hier Condoleezza Rice.
Cet accord doit maintenant être ratifié par le parlement tchèque, très divisé, à l'instar de l'opinion publique. Jouant sur la fibre historique, le premier ministre Topolanek a fait référence au plan Marshall, assurant que la République tchèque ne pouvait se permettre de «commettre à nouveau une telle erreur» en rejetant l'offre américaine.Ces arguments ne seront sans doute pas suffisants pour convaincre les 70 % de Tchèques hostiles à l'installation de ces radars. Même l'ancien président Vaclav Havel a apporté son soutien à ce projet, tandis qu'un journaliste connu pour ses prises de position pour la légalisation de la marijuana a, de son côté, entamé une grève de la faim pour protester contre «le populisme des hommes politiques tchèques qui refusent le radar américain».
Il répondait à sa manière aux deux leaders de la principale association créée contre l'implantation de la base, Jan Tamas et Jan Bednar. Ces derniers ont cessé de s'alimenter pendant près d'un mois pour protester contre le «caractère non démocratique» du processus de décision, appelant à l'organisation d'un référendum populaire. Leur pétition a également rassemblé plus de 100 000 signatures, dont un certain nombre d'anciens dissidents de la Charte 77. En vain. Mais les militants antiradar ne désarment pas: un étudiant a porté plainte contre le ministre des Affaires étrangères pour «trahison à la patrie».
Les opposants au projet américain remettaient en cause le caractère présenté par Washington comme «uniquement défensif» du bouclier antimissile, assurant qu'il ne concernait en rien la sécurité de la République tchèque. La peur de devenir une cible des États qualifiés de «terroristes» par les États-Unis, ou de groupes non étatiques, a nourri l'angoisse de l'opinion. Le souvenir de l'occupation soviétique reste par ailleurs vivace à Prague et alimente la crainte de voir, à nouveau, l'arrivée de soldats étrangers sur le sol tchèque.
Comme prévu, Moscou a très mal réagi. «Si, près de nos frontières, se créer un déploiement réel de système de défense antimissile stratégique américain, alors, nous serons obligés de réagir non pas de façon diplomatique, mais par des techniques militaires», a souligné le ministère des Affaires étrangères.