Big Brother: les téléspectateurs préfèrent Shilpa à Jade

Londres — Les téléspectateurs de l'émission de télé-réalité britannique Celebrity Big Brother, au coeur d'une controverse en Angleterre et en Inde sur des accusations de racisme, ont voté hier pour l'éviction de la colocataire qui tenait les propos les plus durs à l'endroit d'une actrice indienne.

Les téléspectateurs avaient le choix entre évincer l'Indienne Shilpa Shetty, 31 ans, héroïque devant les agressions verbales répétées de ses colocataires, et la plus agressive de ses critiques, une certaine Jade Goody, 25 ans, devenue pour la presse populaire «le visage de la haine».

Le résultat semblait couru d'avance: le quotidien britannique le plus vendu du pays, le Sun, a appelé hier ses lecteurs à voter pour l'éviction de Jade Goody, expliquant qu'il était urgent de «restaurer la réputation endommagée du pays».

À des milliers de kilomètres de là, le ministre des Finances Gordon Brown, que la polémique a poursuivi à chaque pas de son premier voyage en Inde, a déclaré à mots couverts qu'un vote favorisant Shilpa Shetty montrerait que «la Grande-Bretagne est un pays de tolérance et d'équité».

La jeune femme, en théorie coupée du monde, a affirmé jeudi qu'elle ne se sentait pas victime de racisme, mais la controverse ne montrait aucun signe d'apaisement hier. Le total des plaintes adressées à l'Ofcom, l'autorité indépendante régulatrice des médias britanniques, a grimpé à 38 000.

Depuis le début de l'émission quotidienne, le 3 janvier, sur Channel 4, Shilpa s'est fait tour à tour traiter de «chienne» et de «conne» par ses colocataires, avec lesquels elle vit dans un petit appartement où tous sont filmés 24 heures sur 24.

Les femmes, surtout, ont critiqué sa façon de cuisiner, mis en doute son hygiène, l'ont surnommée «l'Indienne», la «princesse» ou encore, dernière trouvaille en date de Jade Goody, «Shilpa Popodum» (du nom d'une sorte de galette indienne). Cris, hurlements et larmes ajoutent au malaise de certains téléspectateurs dans un pays où vivent des centaines de milliers de personnes d'origine indienne.

Hier, le président de la Commission pour l'égalité des droits, Trevor Phillips, a dénoncé un «mélange toxique de conflit de classe, d'ignorance et de bigoterie raciale» qui, selon lui, «fonctionne comme un miroir de notre société, dans lequel nous n'aimons pas ce que nous voyons».

En Inde, le sujet enfièvre les courriers des lecteurs et les forums Internet. «Les remarques racistes lancées contre Shilpa Shetty sont une insulte non seulement envers elle mais aussi envers l'ensemble de la communauté indienne», écrivait ainsi un lecteur ulcéré, Gurpreet Singh, dans le journal The Hindu. Des effigies des producteurs de Channel 4 ont même été brûlées au Bihar.

La tempête a conduit le principal commanditaire de l'émission, Carphone Warehouse, à annoncer jeudi qu'il se retirait, un manque à gagner de trois millions de livres. Et sous la pression, Channel 4, qui n'a pas à ce jour l'intention de suspendre l'émission, a annoncé qu'elle donnerait à des organisations caritatives tous les profits émanant des coups de fil des téléspectateurs hier soir, facturés 50 pence (80 centimes d'euro) l'unité.

Un journal avait calculé qu'en cas de mobilisation record, la chaîne aurait pu gagner deux millions de livres (environ trois millions d'euros).

Elle peut déjà se féliciter d'avoir vu l'audience de Big Brother monter en flèche ces derniers jours, à plus de cinq millions de téléspectateurs, contre 2,8 millions la semaine dernière.

À voir en vidéo