Coup de barre à droite pour la Cour suprême américaine

George Bush estime que la confirmation au Sénat de John Roberts, qu'il a choisi pour siéger à la Cour suprême, se présente dans de bonnes conditions. Roberts a partagé hier matin le petit-déjeuner avec le président avant de se rendre au Capitole pour rencontrer des sénateurs américains.

Washington — La nomination du juge conservateur John Roberts à la Cour suprême des États-Unis, pour remplacer la démissionnaire centriste Sandra O'Connor, met un coup de barre à droite au sein de cette institution clé qui exerce une immense influence sur la vie des Américains.

Les neuf juges de la Cour suprême, dont la composition n'a pas changé depuis 1994, formaient déjà un ensemble très conservateur au regard de l'histoire de la Cour. Mme O'Connor y exerçait un rôle de pivot, rejoignant régulièrement le bloc progressiste pour permettre l'adoption de textes, sur l'avortement ou les droits des minorités par exemple, par un vote de cinq voix contre quatre.

Le juge Roberts, partisan fidèle du Parti républicain, devrait voter de manière plus prévisible avec les quatre juges conservateurs, leur donnant ainsi la majorité dans de nombreuses décisions, si sa nomination était confirmée par le Sénat.

«C'était déjà une Cour conservatrice, et l'objectif du président Bush et de ses partisans était de renforcer cette tendance. Le choix de Roberts devrait avoir cet effet», commente Stephen Wermiel, professeur de droit spécialiste de l'institution à l'American University de Washington.

«On ne peut pas deviner comment il se positionnera sur chacune des questions qui seront soumises à la plus haute cour, mais il est clairement de nature plus conservatrice que Mme O'Connor», ajoute l'expert. «Il ne sera pas le centre modérateur de la Cour, mais une voix conservatrice, solide et cohérente.»

Jonathan Turley, professeur de droit à la George Washington University, met en garde contre certains portraits plutôt flatteurs du candidat, qui le peignent en modéré, raisonnable. «On nous le présente comme un gentil saint-bernard, loyal et très convenable. C'est effectivement un type doux et sympathique, mais c'est aussi un des juges les plus conservateurs du pays», même s'il ne présente pas un profil polémique, prévient-il.

Le juge Roberts a participé aux gouvernements des présidents Ronald Reagan et George Bush père, avant d'être nommé juge de cour d'appel par l'actuel président.

«On dispose de peu d'éléments sur ses prises de position en tant que juge, mais il a passé sa vie à se battre sur des thèmes très conservateurs», souligne M. Turley. «Il est très favorable à la libre entreprise, et sur les questions de business, comme sur l'environnement ou la sécurité nationale, il va se positionner encore plus à droite que certains des juges les plus conservateurs de la Cour suprême.»

Roberts est «l'antithèse» de son prédécesseur, explique-t-il. «O'Connor était largement critiquée par les juristes, de gauche comme de droite, pour son côté girouette, son manque de philosophie judiciaire cohérente. Roberts affiche beaucoup plus de principes, mais cela signifie aussi qu'il votera de manière plus cohérente avec le groupe conservateur.»

Les juges à la Cour suprême sont nommés à vie, même s'ils peuvent partir à la retraite ou pour raisons de santé. Roberts, nommé relativement jeune à l'âge de 50 ans (l'âge moyen des nominations se situe à 55 ans), pourrait exercer son influence à la Cour jusque dans les années 2030.

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