Donald Trump galvanisé par ses rivaux

L’entrée dans la course à l’investiture républicaine du gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, le 24 mai dernier, pour y affronter Donald Trump avant la présidentielle de 2024, a eu un incroyable effet d’entraînement.
Après l’annonce de la candidature de l’ex-gouverneur du New Jersey et ancien allié de l’ex-président, Chris Christie, depuis le New Hampshire mardi, ce sera au tour de l’ex-vice-président des États-Unis et cible de Donald Trump durant l’insurrection du Capitole, le 6 janvier 2021, Mike Pence, de lancer sa campagne jeudi soir, depuis l’Iowa, après avoir officiellement déclaré ses intentions lundi. Ensemble, ils viennent ainsi étoffer une liste de plus en plus longue de candidats, qui espèrent tous empêcher le populiste de reprendre le chemin de la Maison-Blanche.
Les rivaux du milliardaire aigri par sa défaite de 2020 se font de moins en moins timides à la veille d’une saison des primaires qui doit pourtant prendre son envol dans un peu plus de neuf mois, en février prochain. Mais cette multiplication de candidatures, qui est loin d’être terminée, n’annonce finalement rien de bon pour les républicains qui espéraient un autre candidat que Donald Trump pour croiser à nouveau le fer avec Joe Biden lors de la prochaine élection présidentielle.
C’est que plus le populiste est entouré de personnes voulant sa place et plus ses chances de la conserver finissent paradoxalement par augmenter.
« Les primaires républicaines sont différentes des primaires démocrates puisque dans la plupart des États le candidat qui obtient le plus de votes récolte 100 % des délégués de cet État », explique à l’autre bout du fil l’historien spécialiste de la politique américaine Glenn Altschuler, de l’Université Cornell, joint par Le Devoir. Les démocrates, eux, obtiennent la part de délégués qui correspond à la part du vote qu’ils ont reçu durant leurs primaires.
« Dans ce contexte, le candidat républicain qui mène profite de la division du vote produit par ses opposants pour se hisser au sommet des primaires État après État. Et actuellement, c’est Donald Trump qui mène », ajoute-t-il.
Il est encore trop tôt pour savoir dans quelle direction ces primaires vont aller. Cela va dépendre de bien des choses, y compris des attaques que les autres candidats pourraient concentrer sur Donald Trump dans l’espoir de le faire tomber.
Ceci explique cela, et surtout le calme et la retenue dans le commentaire avec lesquels l’équipe de campagne de Donald Trump accueille chaque nouvelle candidature. À l’exception bien sûr de celle de Ron DeSantis, le rival le plus sérieux de l’ex-président, qui est devenu la cible de railleries et de commentaires le discréditant lancés régulièrement par l’ex-président.
« Tim marque un grand pas en avant [dans les primaires] comparativement à Ron [DeSantis], qui est totalement inéligible », a déclaré l’ex-président il y a quelques jours, après l’entrée dans la course du sénateur républicain Tim Scott, à qui il a souhaité bonne chance.
Après Chris Christie et Mike Pence cette semaine, plusieurs autres républicains devraient leur emboîter le pas dans les prochains jours ou les prochaines semaines, en annonçant eux aussi leur entrée dans ces primaires. Le gouverneur du Dakota du Nord, Doug Burgum, devrait le faire plus tôt que tard, sans doute cette semaine. Le maire de Miami, Francis Suarez, le gouverneur du New Hampshire, Chris Sununu, et le gouverneur de la Virginie, Glenn Youngkin, qui ne cachent plus leur intention de se poser en solution de rechange à Donald Trump, pourraient suivre. Même chose pour l’ex-gouverneur du Texas Rick Perry, qui songe à se relancer dans une troisième primaire républicaine, et ce, après deux tentatives infructueuses par le passé.
« En 2016, les primaires républicaines se sont déroulées avec un nombre record historiquement de candidats », dit Glenn Altschuler. Il y en avait 17 avant le premier test électoral de l’Iowa, remporté alors par Ted Cruz. « Ces candidatures ont permis à Donald Trump de récolter le plus grand nombre de délégués » et de se retrouver face à Hillary Clinton. Et devant un autre destin, pour cette vedette mondaine du petit écran qui allait finir par changer le visage des États-Unis.
Pareil, mais pas pareil
Sept ans plus tard, un scénario presque similaire pourrait se jouer. Il y a toutefois une nouvelle donne dans l’équation, avec laquelle Donald Trump va devoir composer : les nombreuses affaires judiciaires qui planent au-dessus de lui et qui pourraient venir troubler la course.
Parmi celles-ci : la mise en accusation du populiste par un tribunal de New York pour falsification de document, dans une histoire de versement de pot-de-vin, mais aussi celle qui pourrait survenir dans les prochains jours, dans l’affaire des documents ultra-secrets que Trump a apportés illégalement chez lui de la Maison-Blanche après sa défaite. La justice de la Géorgie pourrait aussi lancer des poursuites contre l’ex-président pour ses tentatives de faire annuler le vote de la présidentielle de 2020, par la fraude, dans cet État du Sud.
« Il est possible que Donald Trump fasse face à de nouvelles accusations, dit Glenn Altschuler, mais il est peu probable que ces accusations débouchent sur des procès durant les primaires, ou même durant la campagne électorale, ce qui pourrait en limiter l’impact sur le vote. »
« Il est encore trop tôt pour savoir dans quelle direction ces primaires vont aller, ajoute-t-il. Cela va dépendre de bien des choses, y compris des attaques que les autres candidats pourraient concentrer sur Donald Trump dans l’espoir de le faire tomber. »
Des attaques incertaines, mais dont quelques-unes commencent à émerger au sein du Parti républicain face à un ex-président qui se présente encore une fois, à l’image de sa campagne de 2016, comme indétrônable et incontournable pour le parti. Il y a quelques jours, lors d’un tournoi de golf au New Jersey, le milliardaire a repoussé l’idée d’un débat avec les autres candidats en raison des sondages qui annoncent déjà sa victoire, selon lui.
45 % des électeurs républicains considèrent sa candidature comme la plus forte pour 2024, selon un récent sondage de l’Université Monmouth. Ce à quoi Eric Levine, l’un des principaux collecteurs de fonds du parti, n’adhère pas. Pour lui, Donald Trump n’est ni fort ni un candidat entaché par ses résultats passés et ses problèmes judiciaires. « C’est un cancer métastatique qui, s’il n’est pas arrêté, va détruire le parti, a-t-il dit récemment dans les pages numériques de Politico. Donald Trump est un perdant », mais un perdant qui reste finalement toujours en bonne position pour gagner les primaires républicaines.