Ron DeSantis entraînera-t-il une «floridaïsation» des États-Unis?

De l’avortement à la limitation du droit de vote, quels projets politiques Ron DeSantis va-t-il amener avec lui à Washington?
Robert F. Bukaty Associated Press De l’avortement à la limitation du droit de vote, quels projets politiques Ron DeSantis va-t-il amener avec lui à Washington?

C’est fait, il s’est lancé. Depuis mercredi soir, le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, est officiellement devenu candidat à la présidentielle américaine de 2024. À quoi les électeurs américains vont-ils devoir s’attendre de ce républicain ultraconservateur sur la base des politiques qui ont assuré sa popularité et sa réélection en 2022 à la tête de l’État du sud ? Et quels programmes idéologiques celui qui a promis de faire mourir le « wokisme » en Floride pourrait-il faire passer de Tallahassee à Washington s’il réussit à remporter l’investiture républicaine contre Donald Trump ? Tour d’horizon.

Avortement

 

En avril dernier, Ron DeSantis a fait adopter une loi qui vise à interdire les avortements après six semaines de grossesse en Floride. La limite actuelle de 15 semaines, contestée par des groupes ultraconservateurs, est devant la Cour suprême floridienne. La nouvelle mesure est jugée extrême par les défenseurs des libertés individuelles et même par une frange des républicains plus modérés puisqu’elle s’inscrit dans une temporalité qui, bien souvent, ne permet pas à une femme de savoir qu’elle est enceinte. Elle fait aussi entrer son État dans le groupe de ceux qui cherchent à limiter au maximum ce droit des femmes sur le territoire américain, comme l’Alabama, la Louisiane, le Mississippi ou encore la Géorgie et la Caroline du Sud. Elle risque aussi d’agir comme effet mobilisateur des pro-choix à l’échelle du pays, consternés par ce qu’ils qualifient d’un recul évident en matière du droit des femmes.

Armes à feu

Au 1er mai dernier, près de 14 000 personnes avaient déjà perdu la vie en 2023 aux États-Unis, tuées par des armes à feu, selon le Gun Violence Archive. Cela représente un rythme de 115 décès par jour. Et la Floride de Ron DeSantis n’y voit pas de problème, elle qui, loin de chercher à limiter la circulation de ces armes, favorise plutôt leur libre circulation sur son territoire. Au 1er juillet, une nouvelle loi doit, en effet, entrer en vigueur. Elle permettra aux habitants de l’État de se promener avec une arme cachée — sur eux ou dans leur voiture — sans avoir désormais besoin de permis. Cela touche 3 millions de propriétaires d’armes. Ron DeSantis estime que le port d’arme est un droit protégé par la constitution américaine. Il dit aussi que la Floride devrait aller plus loin et autoriser à l’avenir le port d’arme à la ceinture, ce qui n’est pas permis actuellement.

Peine de mort

 

Plus facile pourrait être la peine de mort en Floride après que le gouverneur DeSantis y a fait entrer deux nouveaux projets de loi cette année. Le premier veut mettre fin à l’exigence d’un jury unanime pour décider de la peine capitale dans cet État, et ce, pour le remplacer par une décision d’au moins huit voix contre quatre. Sur les 27 États où se pratique toujours la peine de mort, seulement trois n’exigent pas l’unanimité d’un jury : l’Alabama, l’Indiana et le Missouri.

Le deuxième s’oppose à une décision de la Cour suprême des États-Unis qui a interdit en 2008 la peine de mort dans les cas d’agression sexuelle d’enfants. La Floride veut l’autoriser, DeSantis jugeant la décision du plus haut tribunal du pays comme étant « erronée ».

Droit de vote

 

En 2022, Ron DeSantis a choisi la veille de la journée de commémoration de la naissance de Martin Luther King Jr., icône de la défense des droits des Afro-Américains, pour déposer ses propres demandes de redécoupage des cartes électorales de son État. Le geste vise à diluer le vote démocrate au profit des républicains et à réduire l’influence du vote afro-américain lors des scrutins à venir en Floride. Il a été remarqué, car historiquement, le gouverneur de la Floride ne s’occupe pas de ce redécoupage politiquement intéressé, laissant la chose dans les mains du pouvoir législatif.

Les nouvelles cartes souhaitées par DeSantis vont réduire de moitié les districts dominés par les Afro-Américains — de quatre à deux — en plus d’augmenter le pouvoir du vote républicain sur les sièges du collège électoral — de 16 à 18, sur 27 — en Floride en vue de la prochaine présidentielle.

Parallèlement, l’aspirant président a renforcé les campagnes d’intimidation contre l’électorat afro-américain en mettant en place, en 2022, une police des élections chargée de lutter contre la fraude électorale. Dans les faits, cette police a surtout effectué des arrestations hautement médiatisées de citoyens, noirs pour la plupart, dont le droit de vote a été révoqué en raison d’infractions criminelles mineures. Par ces stratégies, le gouverneur cherche en partie à dissuader 1,4 million de Floridiens, qui ont récemment retrouvé leur droit de vote en 2018, malgré leur passé criminel, à réellement exercer ce droit à l’avenir.

Diversité et race

 

En Floride, la mise à mort du « wokisme » annoncée par DeSantis passe par plusieurs lois, toutes controversées. Après avoir réussi à interdire l’enseignement dans les classes, de la maternelle à la troisième année du primaire, de matières portant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, le gouverneur veut désormais étendre l’interdiction à tous les niveaux du système scolaire, du primaire au collège, et ce, pour « protéger les enfants de la sexualisation ». Deux autres lois cherchent à bloquer dans les collèges l’utilisation de fonds provenant de l’État et même du gouvernement fédéral pour soutenir des programmes portant sur la diversité, l’inclusion et l’équité, ou encore à restreindre les conversations dans les écoles et même les entreprises sur le racisme et l’histoire de ce racisme aux États-Unis.

Dans un autre registre, le gouverneur s’est attaqué par loi à l’utilisation dans les écoles de pronoms qui ne correspondent pas au sexe de la personne. Les enseignants n’ont également plus le droit de demander aux élèves quel pronom ils veulent utiliser pour s’adresser à eux, jugeant la chose contraire au « trait biologique immuable » qu’est le sexe d’une personne.

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