Ron DeSantis veut devenir Trump à la place de Trump

En tant que gouverneur de la Floride, Ron DeSantis s'est notamment illustré par ses tentatives de réduire l'accès aux urnes aux électeurs afro-américains.
Photo: Sean Rayford Getty Images via Agence France-Presse En tant que gouverneur de la Floride, Ron DeSantis s'est notamment illustré par ses tentatives de réduire l'accès aux urnes aux électeurs afro-américains.

Ce n’était qu’une question de temps, et ce temps est sur le point d’arriver. Mercredi soir, le gouverneur républicain de la Floride, Ron DeSantis, va lancer officiellement sa candidature en vue de la présidentielle américaine de 2024, et ce, lors d’un événement en direct sur Twitter, en compagnie du propriétaire du réseau, Elon Musk, rapportaient mardi plusieurs médias américains.

Ce lancement de campagne, attendu depuis plusieurs jours, placera ainsi le politicien ultraconservateur, qui se pose en pourfendeur du wokisme dans son État du Sud, au coeur d’un autre face-à-face sans merci avec l’ex-président américain Donald Trump dans le cadre de la primaire républicaine. Un duel risqué dont l’issue, à plusieurs mois de cette course à l’investiture, reste toujours incertaine.

« C’est maintenant ou jamais pour Ron DeSantis, qui, dans les derniers mois, a perdu un élan politique important et a vu sa popularité chuter dans les sondages, analyse en entrevue au Devoir Aubrey Jewett, professeur de science politique à la University of Central Florida. Le seul moyen qu’il a désormais de renverser cette tendance est d’annoncer officiellement sa candidature et de commencer à entretenir une campagne électorale pour faire valoir, de manière agressive, qu’il est un meilleur candidat pour le Parti républicain que Donald Trump. »

Ron DeSantis a donc opté pour une entrée en scène fortement teintée par la provocation en se montrant aux côtés de l’homme d’affaires controversé Elon Musk, qui, depuis l’été dernier, exprime régulièrement des avis favorables sur la candidature du gouverneur de la Floride. L’aspirant à la Maison-Blanche doit poursuivre ce lancement de campagne sur les ondes du réseau Fox News, dans le cadre d’une autre entrevue pilotée par Trey Gowdy, ex-élu de la Caroline du Sud, selon le réseau. Fox News a largement contribué à la campagne de Donald Trump en 2016, mais le réseau semble, depuis sa défaite en 2020, s’être détaché de l’ex-vedette de la téléréalité.

Ron DeSantis a par la suite convié des donateurs dans un hôtel de Miami mercredi soir, pour donner un autre coup d’envoi : celui de la collecte de fonds visant à nourrir la difficile campagne qu’il va devoir mener pour se rendre jusqu’à la Maison-Blanche.

Une victoire du gouverneur de la Floride reste encore possible

 

Le républicain, présenté depuis la défaite de Donald Trump en 2020 comme son successeur naturel, attendait la fin de la session législative en Floride, qui s’est terminée le 5 mai dernier, avant de faire le saut dans l’arène politique fédérale.

« Il a une chance de remporter l’investiture républicaine, estime Aubrey Jewett. Dans les derniers mois, il a réussi à faire adopter en Floride plusieurs politiques conservatrices, sur des sujets brûlants qui résonnent au sein de l’électorat républicain, notamment l’avortement, interdit après six semaines, la répression ciblant l’immigration illégale, les chèques en éducation et les mesures attaquant la communauté LGBTQ+ et le courant de recherche sur la race, la loi et le pouvoir. »

« Le gouverneur de la Floride a également réussi à collecter d’importantes sommes d’argent qui vont lui permettre de poursuivre ses campagnes en dehors de la Floride et de porter son message à un plus grand nombre d’électeurs républicains ailleurs au pays », ajoute le politicologue.

Politiques controversées

À 44 ans, le républicain entre dans la course dans un climat tendu dans son propre État, où il se retrouve à couteaux tirés avec la multinationale Disney, établie depuis 1971 dans la région d’Orlando. En février dernier, le gouverneur a décidé de reprendre le contrôle du district autonome de Walt Disney World, pour punir la compagnie de s’être prononcée publiquement contre ses lois jugées discriminatoires envers les homosexuels.

Riposte : la semaine dernière, le géant du divertissement a renoncé à un investissement majeur de 1 milliard de dollars qui devait créer 2000 emplois en Floride, et ce, tout en réitérant ses attaques contre Ron DeSantis et son utilisation de l’appareil gouvernemental pour nuire à la multinationale et à la bonne marche des affaires dans cet État.

Dans un geste spectaculaire, la National Association for the Advancement of Colored People a également lancé mardi un avertissement déconseillant à ses membres les voyages en Floride en raison des politiques anti-afro-américaines adoptées par le gouverneur.

Depuis son arrivée en poste, en 2019, Ron DeSantis s’est illustré par ses tentatives de réduire l’accès aux urnes aux électeurs afro-américains par le redécoupage des cartes électorales, en plus d’avoir mis en place une police spéciale ciblant cette communauté, qu’il accuse de contribuer à une fraude massive lors des scrutins. Les faits ne soutiennent toutefois pas ces accusations.

Cet autre populiste attise également les critiques de sa population afro-américaine depuis qu’il s’est attaqué à la libre circulation des idées et des livres exposant les tensions raciales aux États-Unis et a coupé l’accès aux fonds publics à des programmes scolaires faisant la promotion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion.

« Ron DeSantis a pris un certain nombre de positions très conservatrices qui pourraient l’aider dans le cadre de la primaire républicaine, mais qui aussi, à l’inverse, risquent de lui nuire lors d’une élection générale », s’il devait se retrouver face à Joe Biden, dit Aubrey Jewett.

Selon le dernier coup de sonde de Morning Consult, Donald Trump mène toujours la course à l’investiture de son parti par 38 points sur Ron DeSantis.

« Une victoire du gouverneur de la Floride reste encore possible. Mais elle n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les républicains, puisqu’elle risque de diviser les électeurs du parti durant la présidentielle, plusieurs étant encore très attachés à Donald Trump, ajoute M. Jewett. Il y a aussi un risque que l’ex-président se présente comme indépendant, en cas de défaite face à DeSantis, ce qui faciliterait une deuxième victoire pour Joe Biden. »

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